Dropbox qui offre 500 mB d’espace de stockage aux utilisateurs qui recommandent son service ? Sacrément sexy. Hotmail qui ajoute “PS : I love you. Get your free email at Hotmail” à la fin de chaque mail envoyé ? Implacable. Airbnb qui réussit à réorienter le trafic de Craiglist sur son propre site ? Du pur génie ! Tout, dans le growth hacking, semble irrésistible… jusqu’à la légende de sa création.
Pour s’en rendre compte, retour dans les années 2000. À l’époque, Sean Ellis travaille encore chez Dropbox mais cherche celui ou celle qui pourrait le remplacer. Le profil ? Une personne disposant de compétences larges et atypiques, capable de mettre sa créativité et son intelligence au service de la croissance de l’entreprise… Mais, ne trouvant aucun intitulé de poste correspondant, il décide de l’inventer. Ce sera growth hacker !
Le storytelling qui entoure le growth hacking explique en grande partie pourquoi il est de tous les articles, de toutes les conversations. Pourtant, s’insurge Lamine Taguine, Head of Growth chez WeDigitalGarden, “ce terme n’est qu’un buzzword parmi tant d’autres !” Et bien malin celui qui saurait en donner sans hésitation la définition. Aussi, dans cet article, notre expert va-t-il vous expliquer pourquoi il faut de toute urgence cesser de l’employer !
Le constat : “La notion de growth appartient à l’histoire entrepreneuriale, et ce depuis la Révolution industrielle”.
1. Courbe de croissance
Provocatrice ? Cette invitation l’est sans aucun doute. Surtout quand on sait combien la notion de croissance est vitale pour les entreprises. Sans croissance, difficile en effet de mesurer et d’assurer la réussite et la rentabilité de celles-ci. Par ailleurs, on n’a pas encore trouvé meilleur “outil” que la croissance pour embarquer les collaborateurs et donc, in fine, étoffer les capacités du service client et améliorer la qualité de l’offre proposée. “La notion de growth, observe Lamine, appartient à l’histoire entrepreneuriale, et ce, depuis la Révolution industrielle”. Cette dernière, qui émerge vers 1770 en Angleterre, marque une étape importante. À un monde jusque-là dominé par des mouvements cycliques succède alors un processus d’expansion cumulative. La disruption ne date donc pas d’hier. “On n’a pas attendu les hacks des startups de la Silicon Valley pour découvrir l’importance du growth !”
Pire, en mettant l’accent sur ces petits trucs et astuces qui boostent l’acquisition de leads ou de nouveaux utilisateurs, le growth hacker ampute la croissance de sa dimension de long terme. “Il convient peut-être à des startups qui cherchent une croissance ultra rapide. Mais, toutes les entreprises n’en ont pas les moyens et, pour la plupart d’entre elles, il n’est pas viable”. Et ce n’est pas tout ! “La notion de ‘hacking’, constate Lamine, fait trop bidouille. Rien qu’à l’entendre, les clients prennent peur. Ils s’empressent de répondre ‘Mais moi je ne fais pas de piratage !’ et ce, même si ce n’est pas du tout ce que nous leur proposons…
” Bien sûr, le Règlement général sur la protection des données est passé par là. Adieu donc les techniques se rapprochant quelque peu du spamming, à la limite de la légalité. Le Règlement général sur la protection des données participe, en ce sens, à dédiaboliser le growth hacking et… à diminuer grandement son efficacité ! C’est là la rançon du succès : en se démocratisant, le growth hacking a de fait perdu de son attractivité. Ou plutôt, il ne dispose plus, désormais, du monopole de l’ingéniosité.
Définition : “Le growth marketing est intimement lié à la génération de business”.
2. La fin justifie les moyens ?
Aussi, résume Lamine, “finissons-en avec ce terme ultra-galvaudé pour lui préférer celui de growth marketing !” Changer de vocabulaire pour que rien ne change ? Pas exactement. “Contrairement à un growth hacker, se défend notre expert, nous ne sommes pas là pour ne faire que du “hacking”. Notre objectif consiste bien plus à comprendre les intentions de consommation des internautes”. Comment ? En réalisant quantité d’études de marché, d’entretiens, pour saisir au plus près leurs attentes et besoins. Mais, l’analyse ne s’arrête pas là. Les résultats ainsi obtenus sont ensuite couplés avec des études d’intentions de recherche, de mots-clés ou du SEO. “Ce n’est que grâce à ces différents outils que nous aurons alors un ordre d’idée du produit ou du service qu’il faut créer”.
Rien à voir donc avec le côté spectaculaire, presque magique, du growth hacking. Le growth marketing a quelque chose de laborieux qui rassure tous ceux qui souhaitent développer leur business. “Bien sûr, tous nos clients possèdent un site web, suivent des KPIs, déploient une stratégie de contenu. Mais rares sont ceux vraiment équipés pour exploiter efficacement ces leviers dans l’objectif d’attirer des prospects ou de générer des leads”. Ce qu’ils recherchent, ce n’est donc pas uniquement des compétences techniques mais “des équipes capables de les accompagner dans l’ensemble de la transformation de leur business”. Le growth marketing, en effet, n’est pas obsédé par la technologie ni par le digital. “Il est intimement lié à la génération de business et s’adapte à toutes les problématiques, quel que soit le marché”. Autre point de différenciation ? La préférence accordée à la notoriété plutôt qu’à la viralité. Une stratégie bien utile quand il s’agit de bâtir une croissance durable. “En somme, résume Lamine, pas besoin de s’encombrer de définition. La seule chose que nous avons conservé du growth hacking, c’est que nous nous donnons, nous aussi, les moyens de faire des actions malignes !”
L’outil d’un growth marketeur bien équipé ? La patience !
3. Entrez dans la matrice
Et, pour y parvenir, le growth marketing s’inspire comme son meilleur ennemi de la matrice AARRR. Mais, il se la réapproprie avec ses propres outils et un état d’esprit qui n’appartient qu’à lui. Pour quels résultats ? Vérifions-le tout de suite avec notre expert, en passant en revue chaque étape :
1) Acquisition : “Aujourd’hui, nous agissons sur l’ensemble des leviers d’acquisition, du SEO au paid en passant par des actions de social média, des campagnes livestream et même des podcasts ! Pour l’un de nos clients du secteur de la téléphonie, nous sommes par exemple intervenus sur le lancement à l’étranger de cartes prépayées en réfléchissant à la meilleure manière de développer des stratégies d’acquisition pour amener de nouvelles cibles sur leur site web. Un outil comme Google Optimize nous offre la possibilité de réaliser de l’A/B testing à moindre coût, en vérifiant parmi deux-trois formats de contenu digital ou de tunnel de conversation lequel a le mieux marché sur nos prospects. Après cela, les résultats sont passés au crible d’outils d’analyse d’audience. Quant aux heatmaps, ils n’échappent pas à la vigilance de solutions comme Hotjar ou Microsoft Clarity”.
2) Action : “L’atout du growth marketing vis-à-vis du growth hacking ? Aller très loin dans la personnalisation grâce à la clusterisation. Nous pouvons récupérer toutes les actions clés des internautes, développer des plans de marquage, puis des clusters pour ranger les internautes qui auraient scrollé 70 % d’une landing page et cliqué sur telle option ou bien mis de côté tel article sur une page de résultats. Ainsi, pour chacun des clusters identifiés, nous imaginerons un contenu adapté et optimisé selon son profil de consommation de données sur le site. Mais, les données agrégées permettent également aux UX/UI d’améliorer la valeur proposée sur le site”.
3) Rétention : “Pour cette étape, la plupart des actions visent à retenir le client. Mais la rétention passe aussi par le nurturing, qui ne peut bien fonctionner que si l’on comprend parfaitement les autres leviers. Prenons le cas d’une entreprise familiale de prêt-à-porter, animée par le souci du détail et l’amour des belles matières. Orienter sa communication uniquement sur des promotions n’a que peu d’intérêt. Une stratégie perdante pourtant retenue par le client. Elle lui a fait perdre entre cinq et dix fois de business par rapport à l’année précédente, où nous avions conçu, pour lui et ses prospects, des histoires autour de chaque produit”.
“L’approche en entonnoir est dépassée. Désormais, c’est moins à un funnel qu’à une boucle en continu que nous avons affaire.”
4) Recommandation : “Notre travail de fourmi, ces heures et ces heures occupés à décortiquer le comportement des utilisateurs, nous ont permis de comprendre que l’approche en funnel, en entonnoir, est complètement dépassée. Nous ne sommes plus dans une logique ‘je réfléchis à un besoin, j’ai trouvé le bon site, je regarde les avis sur le web, j’achète’. Désormais, c’est moins à un funnel qu’à une boucle en continu que nous avons affaire. Les phases exploratoires et d’évaluation sont influencées par les phases d’exposition, ce qui change pas mal la donne quand on s’attache à trouver des relais d’expériences positives”.
5) Revenu : “Si on ne peut plus parler de funnel, il s’agit malgré tout de transformer l’essai ! Pour un gros acteur du retail en France, nous avons créé un simulateur de taille pour pouvoir ensuite proposer le produit et la taille adaptés. Ce type de dispositif vise à conforter l’internaute dans son choix et donc à générer du revenu. Mais, on peut également travailler sur des modèles d’attribution, en cherchant quel est le modèle de génération le mieux adapté. La question importante ? Pour un euro dépensé sur un levier d’acquisition, combien d’euros en chiffre d’affaires puis-je espérer ? Le revenu ne peut être performant que si l’on comprend l’ensemble de la chaîne d’acquisition de l’internaute. C’est pourquoi l’analyse est indispensable : à chaque étape, nous procédons à toute une batterie d’études”.
À vous de jouer !
- Acquisition : Agissez sur l’ensemble des leviers d’acquisition.
- Action : Pensez personnalisation, et donc clusterisation.
- Rétention : Renforcez l’engagement de vos leads grâce au nurturing.
- Recommandation : Abandonnez l’approche en entonnoir.
- Revenu : Cherchez quel modèle de génération est le mieux adapté.
4. Des actes plutôt que des hacks
Cette dernière phrase résume à elle seule la spécificité du growth marketing. Ce dernier pousse à l’analyse. L’objectif ? Déterminer dans quelle mesure chaque secteur de l’entreprise contribue efficacement à la croissance globale. Car, le growth marketing est bien plus qu’un métier. “Les clients nous sollicitent avec la volonté d’améliorer leur business ce qui requiert d’intervenir sur des marchés toujours plus innovants et même parfois de toucher aux chaînes de production”. Des enjeux qui dépassent largement le cadre strict du digital et qui font du growth marketing un véritable sport d’équipe. “Le département growth, confirme Lamine, ne travaille pas en solo” mais main dans la main avec des spécialistes des techniques UX/UI, de la stratégie SEO, des outils analytics ou encore de l’experience design.
“Notre métier nage entre deux eaux ! Il intervient sur tous les sujets”
“En réalité, poursuit Lamine, notre métier nage entre deux eaux ! Il intervient sur tous les sujets”. De par son profil pluridisciplinaire, presque couteau-suisse, et grâce à sa connaissance de nombreux métiers, l’expert growth est l’intermédiaire parfait pour tous les acteurs d’une entité business. Et les entreprises ont besoin d’un tel interlocuteur pour coordonner, en interne, les différentes expertises. C’est pourquoi elles ne sauraient s’en passer ! Seul le growth marketing permet de synchroniser toutes les actions ce qui, pour les entreprises, représente la condition sine qua non d’une croissance durable et viable.
Tournez donc la page du growth hacking et passez à l’acte !