Ce message s’adresse à toute personne curieuse de la suite après ce buzz que crée la data (une explication de ce buzz dans le Harvard Business Review ici). Ne comparons pas ce buzz avec une bulle comme la bulle immobilière. La data peut être un asset capitalistique certes, mais sa durée de vie est infinie, et elle est surtout immatérielle. Comment la relier au patrimoine informationnel ?
Dans cet article, nous nous intéresserons à cette prise de conscience qui date de quelques années déjà depuis la naissance des Big Data, mais qui reste encore récente pour la plupart des collaborateurs qui, dans une entreprise, ne baigne pas dans cette niche qui pèse aujourd’hui plusieurs milliards de dollars.
Nous nous intéresserons donc à un écosystème qui porte la transformation digitale, ou numérique, d’une entreprise.
Cet écosystème, nous allons le décrire avec le prisme de la responsabilité sur les données et le concept de la Data Democracy, avec la complexité de la data par son aspect transversal et systémique, et avec une communauté data qui représente la beauté de l’intelligence collective.
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Si tout le monde est responsable, alors personne ne l’est
Dans une démocratie, tout le monde est responsable. Dans une entreprise, ce principe excelle puisqu’un contrat lie toujours un employé à son employeur. En ce qui nous concerne, cela signifierait-il que chaque collaborateur d’une organisation deviendrait responsable de ses données ?
La problématique n’est pas aussi triviale. La responsabilité cache un sujet complexe en entreprise, d’autant plus en 2020, puisque les responsabilités se mêlent et s’entremêlent au gré des réorganisations, des innovations managériales et des transformations agiles qui se suivent.
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“Why would the expertise exist if no one really « owns » the data ? Business will be data users but the pseudo ownership will fall onto IT in the absence of anyone else.”
The Chief Data Officer Playbook, page 42-43. Caroline Carruthers et Peter Jackson.
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Devant une responsabilité, apparaît souvent un rôle. Et de plus en plus de collaborateurs, de par leurs compétences et leur engagement, se saisissent de plusieurs rôles. Exercice facile pour une organisation qui ne bouge pas dans sa structure, mais difficile pour les collaborateurs qui les cumulent, en best effort, et n’ont plus la capacité de tout bien faire.
Les organisations sont aujourd’hui dans l’obligation de devenir résilientes, et hybrides dans leurs méthodes. C’est pourquoi, dans leur transformation digitale, certaines entreprises stoppent cette mauvaise pratique de cumul des rôles, et créent des fonctions ou des postes avec les lignes managériales, pour une nouvelle organisation qui se veut data-centric, en plus d’être business centric, customer centric, etc.
Une organisation résiliente, hybride et agile accueille donc facilement des nouveaux rôles, mais surtout plus facilement des nouvelles fonctions et des nouveaux métiers.
De cette façon, la responsabilité sur la donnée n’est plus qu’une question de culture et de stratégie. Le data ownership ou le data stewardship peuvent se déployer dans les lignes métiers qui portent leurs enjeux et risques. De manière concrète, opérationnelle et efficiente mais transversale, cette nouvelle communauté data constituée des Data Steward, Data Owner et Data Champion, entre autres, participent à la démocratisation de l’accès à l’information dans leur organisation.
C’est donc bien l’organisation qui doit accompagner la structuration des fonctions de la gouvernance des données, pour ne pas induire une concentration des rôles sur les mêmes personnes.
Même si ce type d’organisation enlève une part de complexité dans le déploiement d’une gouvernance de la donnée, la donnée en tant que tel porte une certaine complexité que l’organisation doit sereinement accueillir.
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Patrmoine informationnel : la data est un objet systémique
Les sujets transverses sont des sujets systémiques. Une gouvernance des données opérante, efficiente dans un écosystème est un sujet transverse, donc elle porte cette systémique. Plus précisément, avec la data, si l’on va au bout des problématiques, on révèle de plus en plus de limites, d’impacts, de contraintes qui échappent aux opérationnels, et aux sponsors.
Par exemple, quelque soit l’industrie, lorsqu’une ligne métier décide de commercialiser un nouveau produit ou service, il est paramétré d’abord pour les usages customer centric : marketing, commerce, logistique.
Voilà déjà trois gros acteurs qui vont avoir une façon particulière de décrire un produit. Une fois que ce produit est vendu, cela va intéresser la finance, la comptabilité, la trésorerie.
Si ces acteurs ne sont pas intégrés dès la conception d’un produit, il y a de fortes chances que la comptabilité technique ne soit pas alignée sur les prochaines transactions… Donc le produit se vend, mais l’argent ne rentre pas.
Et ce n’est qu’un exemple, imaginez tout ce qu’il se passe dans une journée dans une entreprise du CAC 40. Une approche systémique permet de modéliser l’ensemble des causes et conséquences pour anticiper certains risques.
Gouverner la donnée, c’est porter les enjeux d’une entreprise tout en maîtrisant les risques.
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“Pour expliquer, comprendre la situation il faut tenir compte de beaucoup d’éléments (conjoncture générale, contexte particulier, stratégie des acteurs …), faire une analyse systémique avec objectivité et rigueur, bien contrôler, confronter les informations récoltées.”
Pour aller des Big Data aux solutions, il faut savoir identifier les problèmes. Michel Bruley le 15 septembre 2019 sur decideo.fr .
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Aller vite, aller toujours plus vite. Il devient de plus en plus difficile de prendre le temps de bien faire dans les grandes organisations. De fait, notre pays connaît une nouvelle décentralisation avec l’explosion de l’indépendance, des startups, des french techs, etc.
C’est un risque encore trop sous estimé dans les entreprises : la fuite de leurs “cerveaux” vers l’indépendance, la startup, car ces environnements sont a priori plein de sens. On peut y trouver le développement pur des idées. Alors quel rapport avec la data ?
Les changements de paradigme des organisations dans leur transformation digitale qui s’opère et la venue de nouveaux talents « tech » ou « digital native » montrent des phénomènes intéressants à observer dans les difficultés, voire le chaos que les différences de culture créent, en fonction de la taille de l’organisation et des carrières dans les filières data ou digitales. Mais ce n’est pas l’objet de cet article (lire un premier niveau de lecture sur ce sujet ici, par Philippe Pinault dans le JDN cette année, ou ici, sur Capital.fr).
Il est plutôt facile d’intéresser et de motiver les collaborateurs dans les phases initiales des projets. Mais, sur le moyen et long terme, s’il n’y a pas un système en place, les carrières s’essoufflent. L’exercice n’est cependant pas plus facile pour un collaborateur qui change d’entreprise pour ces raisons, car la destination ne sera pas forcément dotée d’un système. Et l’écueil culturel est d’autant plus fort que ces Digital Natives n’opèrent pas à l’échelle : soit car leurs objectifs sont centrés sur un produit, soit par leur positionnement très vertical dans une organisation.
Lorsqu’une organisation met en place l’usage de la systémie dans les projets transverses et les programmes stratégiques, elle peut se mettre en capacité de maîtriser également les enjeux humains : expérience, sens, épanouissement, intéressement, apprentissage, responsabilisation, etc. Ces enjeux humains pérenniseront le savoir au sein de l’entreprise et garantiront la transformation digitale.
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L’intelligence d’un collectif
Les collaborateurs peuvent souvent aussi se retrouver dans un effet silo. Les silos, dans les entreprises, sont plus ou moins poreux. La gouvernance des données intègre paradoxalement beaucoup de leviers pour traverser ces silos. Pourquoi ? Parce que cette 4ème révolution industrielle, l’intelligence artificielle et l’innovation dépassent largement les frontières d’une Entreprise. Les collaborateurs sont aussi des consommateurs.
Ce patrimoine informationnel est aujourd’hui mis entre les mains d’un nouvel acteur dans une communauté data : le CDO. Les organisations attendent beaucoup des CDO.
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“A trap that lots of organisations fall into is that the Chief Data Officer and their valiant team are now responsible for all their data problems.”
The Chief Data Officer Playbook, page 61. Caroline Carruthers et Peter Jackson.
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Comment saisir les leviers pour un déploiement du data management à l’échelle ? Beaucoup s’accordent à propos d’une approche par use-case. Oui, le principe est le bon. Mais quels use-cases ?
On a bien mis en évidence la complexité de la donnée par son caractère systémique et transversale. Alors quels uses-cases pourraient vous permettre de prendre en compte cette systémie et cette transversalité tout en simplifiant la problématique et en facilitant la coopération et la collaboration ?
- Déjà, arrêtez de parler de “data”, et intéressez-vous aux business-cases de votre entreprise. Les plus triviaux sont souvent les plus critiques.
- Travaillez d’abord sur les critères d’éligibilité d’un use-case : par exemple sur le nombre de tâches différentes, le nombre de collaborateurs utilisateurs, le nombre d’applications diverses, le nombre de sources données différentes, le chiffre d’affaires généré, etc.
- Trouvez ensuite des use-cases avec vos collaborateurs, de manière à tout de suite miser sur la transparence, la participation.
- Utilisez des supports grands, beaux pour les formaliser (brown paper par exemple).
- Naturellement, magiquement, les use-cases data vont apparaître.
Car vous vous êtes d’abord intéressés aux problèmes, réels, concrets pour et avec votre communauté data.
Et puis, si on aime la démocratie, comme tous les problèmes sont importants, mais qu’il n’est pas encore le temps de la résolution, choisissez le vote pour sélectionner les use-cases qui vont vous accompagner tout au long de la mise en gouvernance de votre patrimoine informationnel.
Alors moins on parle de Data, plus elle ne devient qu’un prétexte, et plus nous mettons à profit la coopération et la collaboration pour porter la transformation digitale d’une entreprise.
Dans un autre article, nous abordons plus précisément ce que signifie la Data Democracy, à travers la culture d’une entreprise et les différentes cultures de ses collaborateurs.
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