Savoir mener un projet de transformation, quel qu’il soit (organisationnel, managérial, technologique, organisationnel, culturel…), est devenu un impératif pour les entreprises. Si beaucoup ont déjà su prendre le tournant du digital, les besoins de transformation ne s’arrêtent pas là, bien au contraire. Le monde dans lequel nous évoluons impose aux entreprises de savoir s’adapter ; la crise sanitaire nous l’a d’ailleurs bien démontré.
Nous avons fait le point avec Anne Dauvillaire, leader de l’offre learning et culture chez Wemanity, ainsi qu’avec Agnès Joly, change manager chez Engie, sur le rôle de la formation dans la réussite d’une transformation d’entreprise.
1. L’humain au cœur de la démarche de transformation
Pour relever les challenges inhérents à un projet de transformation, les entreprises n’ont pas le choix : elles doivent s’appuyer sur l’humain.
Agnès Joly en est convaincue : « Investir sur le capital humain, c’est investir sur la richesse de l’entreprise. C’est une façon de motiver les collaborateurs, mais aussi de développer leur employabilité. C’est participer à ce qu’ils soient plus productifs, plus innovants, plus heureux de se lever le matin, et mieux armés pour faire face au changement et aux nouvelles contraintes. »
Anne Dauvillaire nous le confirme : « On a tendance à penser que la mise en place de processus et d’outils suffira à se transformer et, même si c’est une première base, cela reste une vision court terme. Si on veut créer des transformations qui soient durables et pérennes, elles doivent être menées par et pour les collaborateurs. »
Alors, comment embarquer les équipes dans un projet de transformation ? La réponse ne fait pas de doute pour Anne : il faut réussir à donner du sens à la transformation auprès des collaborateurs, mais aussi les accompagner à porter le sujet.
La formation sert cet objectif : « Il est capital que tout le monde ait une grille de lecture de la transformation à venir. La formation est aussi là pour donner cette grille. Quand on fait un plan de transformation, si on ne met pas en place la formation, ou si on lance un plan de formation sans expliquer pourquoi, et sans communiquer, on s’achète des problèmes d’office. Le but, c’est que la transformation ait du sens pour les individus, mais pour cela ils doivent se doter de nouvelles compétences ou d’un nouvel état d’esprit pour être en mesure de comprendre. »
Agnès Joly nous confie par ailleurs que les formations apportent également un espace privilégié pour se poser, être ensemble, pouvoir partager et expérimenter. Pouvoir se connecter les uns aux autres dans un contexte de transformation, qui peut générer des inquiétudes, est salutaire. Et puis il faut aussi « accompagner les équipes dans la compréhension de l’utilité du changement. Ce n’est jamais agréable de sortir d’une zone de confort, et d’aller dans l’inconnu. Mais quand on y réfléchit, le changement fait déjà partie intégrante de nos vies, et peut nous apporter beaucoup ».
Pour approfondir ce vaste sujet : Comment les ressources humaines peuvent-elles s’appuyer sur la culture du changement pour allier épanouissement des collaborateurs et performance de l’organisation ? Thibault Beuken, expert en transformations organisationnelles chez Wemanity, nous livre son analyse pour faire émerger une meilleure expérience collaborateur.
Les fonctions RH : essentielles dans le succès d’une transformation
Dans son étude sur la transformation des RH et comment l’accélérer (publiée en 2020), IBM souligne l’importance de la réinvention de la fonction. Cette réinvention devient un impératif business majeur pour accompagner les organisations dans les défis de transformation qu’elles rencontrent aujourd’hui.
Les résultats de cette étude montrent que la fonction RH 3.0 repose sur 5 caractéristiques essentielles :
- Prendre en compte les besoins de chacun, pour tendre vers une expérience collaborateur personnalisée unique.
- Valoriser les compétences comme valeur centrale de l’entreprise.
- Appuyer ses prises de décisions sur l’exploitation pertinente des données.
- S’appuyer sur les pratiques agiles pour gagner en vitesse et en réactivité.
- Faire preuve de transparence pour préserver la confiance et minimiser le risque de survenance d’une crise de réputation.
Les RH 3.0 représentent un idéal à atteindre sur lequel peu d’entreprises se sont déjà mobilisées : certaines ont commencé à avancer sur certains de ces principes, mais rares sont celles qui ont déjà cheminé sur les 5 (10 % selon l’étude d’IBM).
L’étude dégage 10 grands axes à suivre pour réinventer la fonction RH, et lui donner l’envergure nécessaire pour relever les nouveaux challenges transformationnels qui se profilent. Parmi ces grands axes : la formation et les manières d’acquérir de nouvelles compétences.
Anne Dauvillaire nous partage sa vision sur le sujet : « Aujourd’hui, beaucoup de RH proposent des parcours de formation répondant à nos modèles régaliens. L’approche reste traditionnelle, et permet d’adresser le nombre volumineux de collaborateurs et de demandes. Néanmoins, cette stratégie de formation est en réaction aux demandes formulées, et dans la pire des situations, l’apprenant émet des choix par obligation légale plus que par réelle motivation. L’enjeu est de réussir à changer les codes pour faire évoluer le prisme et la perception des RH dans leur rôle sur le volet formation. D’être plus proche des réalités terrain, afin d’agir comme catalyseur et influenceur dans les choix de formation émis. »
La fonction RH doit réussir à sortir du paradigme dans lequel elle construit son plan de formation essentiellement sur la remontée des besoins exprimés par les collaborateurs (même si ceux-ci ont évidemment leur importance), pour changer d’échelle ses ambitions :
« Aujourd’hui, on commence à voir des RH qui se positionnent plutôt en tant qu’influenceurs. Grâce à leur analyse des tendances du marché, et de par ce qu’ils peuvent observer au sein de l’entreprise, ce sont eux qui vont recommander et mettre en avant des formations auprès des collaborateurs. Tout l’enjeu de leurs préconisations est de coller au besoin et à la réalité de l’entreprise, pour servir la stratégie du groupe, sans mettre de côté l’expérience collaborateur ».
Zoom sur l’importance de mener sa transformation agile avec les RH.
2. Transformation d’entreprise : dans quelle direction doivent s’orienter les formations ?
Si pendant longtemps, seules les hard skills étaient valorisées, aujourd’hui les lignes bougent. Même s’il est incontestable que la montée en compétences techniques reste un impératif stratégique à côté duquel il ne faut pas passer, le développement des compétences relationnelles des collaborateurs s’avère tout aussi déterminant.
Pour Anne Dauvillaire, tout comme pour Agnès Joly, il ne fait aucun doute que pour maximiser le succès de son plan de transformation, les formations doivent mélanger avec pertinence acquisition de nouvelles compétences techniques et développement de soft skills :
« Les formations soft skills se développent de plus en plus : avec le Covid, on a vu une nette accélération. Naturellement, au début de la pandémie, ce sont les formations pour apprendre à utiliser les outils à distance, les outils collaboratifs, etc. qui ont rencontré le plus de succès. Mais très rapidement, on a vu d’autres sujets émerger, inhérents à cette transformation inédite et rapide : des sujets sur la sécurité psychologique, des formations sur la culture du feedback, sur la résolution de conflits, ou encore le leadership agile, etc. Ces types de formations ont rencontré une forte demande de la part des directions métier, tout comme des directions RH. »
Savoir combiner formation hard skills et soft skills est d’autant plus important sur les postes clés de management, où la résistance au changement individuelle peut parfois faire des ravages.
L’autre enjeu dans le choix des formations tient dans l’identification des besoins éventuels de reskilling et d’upskilling. L’ambition est « d’avoir les bonnes compétences et les bons talents, au bon endroit et au bon moment. » :
- Reskilling : dans un contexte de transformation, certains métiers peuvent être amenés à disparaître à plus ou moins long terme. Il faut pouvoir l’anticiper et préparer l’accompagnement des collaborateurs concernés dans l’appropriation d’un nouveau rôle.
- Upskilling : pour certains, la marche à monter pour accompagner les besoins de transformation de l’entreprise est moins vertigineuse. Savoir identifier ces collaborateurs pour leur permettre de monter en compétences rapidement sera également essentiel afin de pérenniser la transformation et d’être doté des bonnes compétences.
Agnès Joly souligne l’importance de trouver ces « early adopters » : « Je crois beaucoup à l’exemplarité. C’est quand les collaborateurs vont voir les managers, notamment, adopter de nouvelles pratiques qu’ils vont avoir envie de sauter le pas eux aussi. C’est très puissant pour réussir à embarquer véritablement les équipes. »
3. Devenir une organisation apprenante : la clé pour mener des transformations pérennes et durables
Inscrire l’apprentissage dans l’ADN de l’entreprise
Dans un monde où les transformations radicales et majeures se multiplient, les manières de former doivent évoluer, pour que les entreprises deviennent apprenantes.
« La formation ne doit pas être une action ponctuelle : ce doit être une constante. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il faut faire 210 jours de formation dans l’année. L’organisation apprenante est avant tout une organisation capable de créer des opportunités d’apprentissage, une organisation où on a le droit à l’erreur, où il existe des communautés pour se développer entre pairs, où on a aussi le droit de dire je ne sais pas et de se faire accompagner. »
L’apprentissage doit venir s’inscrire dans l’ADN de l’entreprise.
« Chez un client, nous avons récemment organisé une semaine sur le thème « Apprendre à apprendre ». Il y avait plein de petites conférences et d’ateliers en ligne où les collaborateurs pouvaient s’inscrire et participer comme ils le souhaitaient. On n’est pas dans la formation stricto sensus, mais sur de l’évènementiel qui combine formation et inspiration et ça, c’est très puissant. »
Agnès Joly partage cette vision : « C’est un travail au long cours, il faut constamment planter de petites graines. » Il y a un véritable enjeu à impliquer les collaborateurs dans le processus de formation : « les individus doivent être davantage acteurs du parcours de formation et ne pas venir seulement en consommateurs ». C’est essentiel pour que le bénéfice de la formation soit maximisé.
Comment fait-on concrètement pour instaurer une culture d’apprentissage ? Réponse dans notre décryptage.
L’e-learning : un atout à condition d’être utilisé avec pertinence
La digitalisation des formations facilite l’accès au savoir, mais il ne faut pas tomber dans le piège de penser que l’e-learning suffira à insuffler une culture de l’apprentissage au sein de l’entreprise. Donner accès à des catalogues de formations sur des plateformes d’e-learning n’est pas suffisant.
« Je ne crois pas à l’efficacité d’une formation où l’apprenant est seul devant son écran, aussi bien fait, aussi gamifié, aussi immersif que soit l’e-learning. L’apprentissage passe aussi par le collectif, les échanges entre pairs, la confrontation et le lien humain, même à distance. »
Pour ancrer durablement le savoir, c’est la continuité qui est importante : il faut avoir des occasions de mettre en pratique, et de se retrouver pour débriefer. Utilisé à bon escient, le e-learning aura sa pertinence (en capsule avant une semaine d’événements par exemple, ou en aval de la formation pour revenir sur les points essentiels), mais sans réflexion autour d’un parcours cohérent de formation, son effet sera très faible.
« Si vous ne comptez que sur des slides pour former vos équipes, ça ne peut pas marcher. L’efficacité passe vraiment par la « formaction » : je donne un concept, et je le mets tout de suite en pratique en groupe. »
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Transformation et formation sont indissociables.
« À partir du moment où l’on veut mettre en place de nouvelles compétences, un nouveau mindset ou des nouvelles formes de leadership, il est indispensable de prendre un temps d’apprentissage. La formation, c’est une porte qui permet de donner une lecture commune à un collectif, pour que la transformation puisse se déployer sereinement. »