Le Kanban est une méthode très utilisée, notamment pour faciliter le développement d’une approche agile dans la gestion d’un projet. Il repose sur un système de contrôle en temps réel du workflow, représenté visuellement sur un tableau, auquel les membres de l’équipe ont accès à tout moment.
Quels sont ses avantages et ses limites ? Comment mettre concrètement en application le Kanban et quels sont les pièges à éviter ? Nous faisons le point avec Alexandre, Scrum Master chez Wemanity.
1. Qu’est-ce que la méthode Kanban ?
Un peu d’histoire…
La méthode Kanban a vu le jour à la fin des années 50 au Japon, dans les usines Toyota. L’objectif de Taiichi Ōno, l’ingénieur qui a conçu la méthode, était de proposer un système de planification qui aiderait les équipes à optimiser la capacité de production. L’enjeu était de taille puisqu’il fallait réussir à passer d’un système de production de masse à une production à flux tendu, basée sur la demande client, qui minimise le gaspillage de temps, de ressources et d’énergie, sans pour autant dégrader la productivité (démarche Lean).
Bon à savoir : le mot « kanban », d’origine japonaise, signifie « étiquette », « carte de signalisation ».
Qui utilise la méthode Kanban ?
Si la méthode Kanban a d’abord été cantonnée aux grandes industries, elle s’est peu à peu démocratisée tant ses applications sont multiples. Son application initiale, qui permettait d’optimiser les chaînes de montage, a évolué pour permettre aujourd’hui de travailler à améliorer le volume et la gestion des tâches au sein d’une équipe.
La méthode Kanban est utilisée par un grand nombre d’entreprises soucieuses d’appliquer une pensée lean, notamment dans la gestion de projets IT.
Grands principes du Kanban
Le concept même du Kanban est de permettre un contrôle visuel rapide du flux de travail pour faciliter la production à la demande. La communication en temps réel et la collaboration sont simplifiées du fait que l’information autour des tâches à effectuer est accessible à tous.
La méthode Kanban repose sur 4 principes phares :
- Commencer par ce que l’on est en train de faire : Kanban est un outil très polyvalent, qui ne nécessite pas d’implémentation dans la douleur. Il s’adapte parfaitement au système en place, permet d’en identifier les limites et de prévoir des améliorations progressives.
- Accepter l’application progressive des changements : la philosophie Kanban est aux antipodes du changement radical. Ce sont les petits changements qui s’ancrent dans le temps qui seront efficaces à terme, et permettront d’obtenir l’adhésion du plus grand nombre.
- Respecter les procédés, les rôles, les responsabilités et les titres en place : cela fait partie des clés pour ne brusquer personne et éliminer petit à petit la résistance aux changements à venir.
- Encourager le leadership à tous les niveaux : quel que soit le poste et le niveau hiérarchique, tout acteur de la chaîne de production peut avoir son rôle à jouer, et apporter de la valeur grâce à sa connaissance du terrain. Toute initiative d’amélioration continue doit donc être soutenue.
2. Comment utiliser la méthode Kanban : 5 bonnes pratiques
Concrètement, le Kanban prend la forme d’un tableau où chaque tâche à réaliser, représentée par un post-it, ou étiquette, est positionnée dans une colonne en fonction de son état d’avancement. Au fur et à mesure que la tâche avance dans le workflow, l’étiquette correspondante change de colonne.
Pour favoriser une implémentation réussie de la méthode Kanban, il est conseillé de s’appuyer sur un certain nombre de bonnes pratiques.
La visualisation
Dans le tableau Kanban, chaque colonne représente une étape du workflow (à faire, ouvert, en cours, en test, terminé, etc.). Les étiquettes doivent être changées de colonne en temps réel dès qu’une tâche avance pour avoir une vision juste du flux de travail, compréhensible en un coup d’œil par tous. L’état d’avancement global du projet peut être suivi très simplement de cette façon.
La limitation des tâches en cours de traitement
Pour chaque colonne du tableau Kanban, il est possible de fixer un nombre minimal et maximal de tâches, pour que tout le monde ait quelque chose à faire, mais pas au point de se retrouver débordé. En optant pour cette limite, l’équipe doit d’abord terminer des tâches pour que d’autres soient ajoutées dans le tableau.
Pour Alexandre, cette limitation est un outil précieux : « L’avantage, c’est que les équipes sont moins chargées, il peut rester de la bande passante pour avoir le temps de faire des tests, de collaborer sur des points de blocage chez certains, ou pour aller plus vite sur un ticket spécifique, etc. Il est important de consulter les équipes pour fixer des limites acceptables pour tout le monde, et de réadapter ces limites en fonction des contraintes amenées à évoluer ».
À noter : certaines équipes fonctionnent très bien sans limite. Cette option est intéressante à activer si les équipes en ressentent le besoin pour fluidifier leur travail.
La gestion du flux
Le rythme et la fluidité de l’avancement des tâches dans le Kanban doivent être suivis, mesurés et analysés. Des boucles de feedback doivent également être organisées à intervalles réguliers pour tendre à l’optimisation continue du flux de travail. Ces rétrospectives, couplées au monitoring, permettent d’évaluer efficacement l’impact des ajustements et changements apportés continuellement au workflow.
Alexandre note deux outils indispensables pour gérer le workflow avec Kanban :
- Le cumulative flow : ce graphique permet de suivre et de calculer le temps de cycle moyen d’une tâche. Ce temps de cycle (ou cycle time) correspond au temps qu’aura mis une étiquette pour aller d’un bout à l’autre du process (de « à faire » jusqu’à « terminé »). Capital pour chiffrer la productivité d’une équipe et faire des projections sur des dates de livraison possibles auprès du client.
- Le lead time : il correspond au temps passé à chaque étape du workflow. Incontournable à suivre pour identifier les goulots d’étranglement, nous confie Alexandre.
La clarification des normes de processus
Les règles du Kanban doivent être explicitées à tous les membres de l’équipe pour qu’ils aient tous le même niveau de maîtrise du système, comprennent comment traiter les tâches dans le tableau et soient en mesure de proposer des axes d’amélioration.
L’identification d’opportunités d’amélioration
Une fois les tâches en cours de traitement, le dialogue au sein de l’équipe doit rester ouvert pour que les éventuels blocages ou problèmes soient analysés collectivement, et que des actions d’amélioration continue soient mises en place.
3. Kanban : avantages et inconvénients
Travailler avec l’approche Kanban comporte de nombreux atouts :
- L’information est accessible à tous les acteurs du projet en temps réel : le travail avance en toute transparence, la communication est fluide, et le risque de doublons diminue.
- La gestion des tâches est très visuelle et permet donc d’identifier rapidement d’éventuels goulots d’étranglement dans la production : les colonnes les plus remplies sont celles qui créent des embouteillages dans le workflow.
- La méthode Kanban permet d’être réactif : le concept même est de s’adapter à la demande du client, amenée à évoluer dans le temps. L’ajustement des priorités, la réaffectation ou la réorganisation des tâches est donc facilitée.
- La collaboration au sein des équipes est encouragée : avec Kanban, pour pouvoir avancer, les tâches en cours (TEC) doivent être terminées. En cas de problème sur une TEC, l’entraide est de mise pour résoudre au plus vite le point de blocage.
- Le Kanban est flexible : il est facilement applicable dans la plupart des entreprises et projets (même hors projets IT). A partir du moment où un worflow existe et qu’une équipe travaille dessus, la méthode Kanban est envisageable. La philosophie de la méthode est vraiment l’amélioration progressive de l’existant plutôt que la révolution totale.
La méthode Kanban n’est cela dit pas exempte de défauts, qu’il faut avoir en tête avant de l’implémenter :
- Elle s’adapte bien aux projets et productions où les livraisons sont répétitives, régulières et relativement simples (projets de support ou de maintenance par exemple). Elle ne sera en revanche pas idéale sur un projet plus complexe, où les demandes sont irrégulières, et sortent trop fréquemment du cadre identifié de production.
- Le Kanban manque de vision stratégique : la logique du Kanban est de traiter les tâches prioritaires en premier, sans logique d’engagement sur une deadline particulière. Difficile de se prononcer sur la disponibilité d’une fonctionnalité à telle ou telle date, ou de lire facilement l’interdépendance de plusieurs tâches sur le tableau, surtout quand elles n’ont pas le même degré de priorité. Même s’il est possible de faire quelques projections avec le cycle time, elles resteront moins précises que celles de la méthode Scrum.
L’avis de l’expert : Pour Alexandre, Kanban est le bon outil pour : - Les équipes qui ne sont pas encore suffisamment matures pour s’avancer sur des objectifs d’engagement sur des sprints ; - Les équipes de type RUN ; un projet qui a besoin d’avancer très rapidement, où chaque minute compte et où avancer le plus vite possible sur les tâches prioritaires est indispensable - Un product owner qui n’a pas encore la capacité de préparer en avance une liste de tâches pour occuper les développeurs pendant tout le sprint, ou qui manque de visibilité sur la roadmap globale.
4. Différences clés par rapport à Scrum
Scrum et Kanban se retrouvent sur bon nombre de points : tous deux sont des approches de gestion de projet centrées sur le produit, qui s’appuient sur un flux de travail visuel très parlant, et encouragent l’amélioration continue.
Les variations principales entre ces deux méthodes concernent :
- Les rôles de chacun : Kanban se base sur l’organisation existante de l’équipe, sans rôles prédéfinis à introduire. Avec Scrum en revanche, des casquettes de Product Owner et de Scrum Master doivent être distribuées, qui accompagneront l’équipe de développement sur l’orientation du travail et la gestion des deadlines. Ces rôles apportent une structure extrêmement utile pour guider le développement et avoir une vision d’ensemble sur le projet.
- Le rythme de travail : la méthode Kanban n’impose pas de cadence, tout se fait en flux continu, tandis qu’en Scrum les cycles de travail s’appuient sur des sprints. Dès qu’un cycle est terminé, un autre recommence, qui remplira de nouveaux objectifs.
- La flexibilité en cours de cycle : avec Scrum, les équipes s’engagent en début de sprint pour réaliser un ensemble de tâches et atteindre un objectif de sprint commun. Par contre, du fait que Kanban fonctionne sur un système de flux continu, des modifications peuvent être apportées à tout moment. Dès qu’une tâche très prioritaire arrive, elle peut être traitée immédiatement.
- Les rituels : avec Scrum, il y a beaucoup de cérémonies (sprint planning, daily, sprint review, rétro) alors qu’avec Kanban, il n’y a rien d’obligatoire.
Chaque méthode a ses avantages comme ses limites, le tout est de choisir celle qui sera la plus adaptée aux spécificités du projet et de l’équipe qui travaille dessus. Alexandre conseille ainsi de « switcher d’une méthodologie à une autre en fonction des besoins. Le tout est que tout le monde ait en tête le plan de travail défini et les objectifs fixés ». Il a lui-même testé cette alternance avec une de ses équipes, qui devait tenir une deadline très ambitieuse pour sortir une nouvelle fonctionnalité : « On a décidé d’arrêter de faire des sprints, et de passer en méthode Kanban pour commencer à travailler sur les tâches les plus prioritaires et pouvoir aller beaucoup plus vite. Une fois que les 3 mois sont passés et que la fonctionnalité a été mise en place, on est repassé à une méthodologie Scrum classique. »
Au besoin, il ne faut pas non plus hésiter à mélanger les atouts des deux méthodes pour en tirer tous les bénéfices : zoom sur le Scrumban, ses avantages et son organisation concrète dans notre article !
En résumé :
L’objectif est de s’adapter en permanence aux besoins du client. Aujourd’hui, la méthode Kanban est utilisée dans les entreprises pour permettre une meilleure gestion des tâches.
Le Kanban est une méthode utilisée pour faciliter le développement d’une approche agile dans la gestion d’un projet. Il repose sur un système de contrôle en temps réel du workflow, représenté visuellement sur un tableau, auquel les membres de l’équipe ont accès à tout moment.
Dans le tableau Kanban, chaque colonne représente une étape du workflow (à faire, ouvert, en cours, en test, terminé, etc.). Les étiquettes doivent être changées de colonne en temps réel dès qu’une tâche avance pour avoir une vision juste du flux de travail, compréhensible en un coup d’œil par tous. L’état d’avancement global du projet peut être suivi très simplement de cette façon.