Il m’est apparu utile de prendre un peu de recul sur la manière d’accompagner en tant que coach, agile ou non. Le sujet est très vaste et ne peut être traité en un seul article. Je vais commencer donc par une notion fondamentale (et non suffisante, certes) : la posture du coach agile et notamment sa matérialisation dans le langage, à savoir les questions.
Il restera, suite à cet article, à mettre en valeur les stratégies de questions (par exemple, se basant sur Dilts, ou sur le questionnement circulaire), sur la manière de poser une question (gestuelle, intonation, …), sur la prise en compte des différents niveaux de la conversation (dans le contenu du coaché et dans le meta, de l’intérêt de passer de l’un à l’autre et comment éviter de se noyer dans des informations de type « bruit »), …
Ceci dit, il faut bien commencer quelque part et cela paraît logique de le faire par la base de la structure.
1. Commencer par se mettre dans le bon chemin
- Un coach agile n’apporte pas de réponse au coaché. Le coaché est mieux placé que le coach pour savoir comment résoudre son problème. Dit d’une autre manière: si le coach est plus performant que le coaché, il aurait tout intérêt à être à sa place.
- Un coach agile ne s’intéresse pas au problème du coaché, du moins dans les aspects techniques. En effet, le coach n’est sûrement (ou peut-être) pas dans la posture pour comprendre tous les aspects techniques du coaché, n’évoluant pas dans son environnement. Qui plus est, il y a la compréhension technique des problématiques du coaché par le coach se limite à la connaissance passée du coach et ne correspond certainement pas, d’un point de vue systémique, à des situations identiques à celle du coaché.
- Un coach agile explore la manière dont le coaché expose son problème, afin de lui permettre d’observer sa situation de manière différente.
- Le coaché viendra souvent voir le coach avec un problème décrit comme insoluble. Le coach n’aide pas le coaché à résoudre les difficultés dans sa perception d’origine. Le but du coaching est d’amener le coaché dans une autre perception à partir de laquelle il peut, par lui-même, élaborer ses propres solutions.
- Le coach agile ne prend pas part au système dans lequel interviennent les problèmes du coaché. Dit autrement: le coach ne se met pas dans la possibilité de participer aux problèmes du coaché.
- Le coach peut, par erreur, disparaître sous les informations à trop en chercher, ou s‘étrangler dans un lien de dépendance mutuelle créé avec son coaché.
2. Savoir poser les bonnes questions
Les questions fermées, c’est mal!
Ou pas (décidément…). Rien n’est blanc ou noir. Cependant, il est utile de comprendre l’usage, en tant que coach, de ces types de questions.
Les questions fermées sont utiles pour recadrer la personne par exemple:
pour recentrer la discussion, éviter qu’elle se disperse et embarque le coach dans des sujets annexes dans lequel ce dernier pourrait être noyé.
Une personne vient d’exposer le déroulement d’une journée difficile. Au moment de répondre à une question du type « qu’est-ce qui aura pu mieux se passer », d’un coup, le discours change: finalement, à la fin de la journée, ce qui était attendu a été produit, les décisions prises, …
Dans cette situation, un simple « donc, tout va bien? » peut suffire à recadrer le coaché sur son sujet, et la difficulté qu’il souhaitait amener.
pour induire une réaction vive destinée à enclencher le questionnement interne du coaché.
Demander à la personne si elle peut faire plus un comportement qui lui pose problème.
» – Bon! Je suis fatigué! Ils n’écoutent rien! Entre celui qui passe son temps à faire des bugs, l’autre qui refuse de faire ce qu’on lui demande, code ou documentation, … J’en peux plus.
– Oui, je comprends. Est-ce que tu pourrais plus insister encore sur cet environnement horrible, s’il te plait? »Cette question repose sur l’idée que plus on demande à une personne de faire quelque chose, moins elle ressent l’envie de le faire. A manier avec douceur, car cela peut être vécu comme une moquerie, une agression. Ce n’est pas l’objectif.
Dans les deux exemples, il est inutile d’écouter la réponse, voire contre-productif. Qui plus est, partir avant que le coaché ait eu le temps de répondre évitera une recherche de confirmation du coach et remettra le coaché face à lui-même. On peut partir poliment en prétexte un besoin physiologique urgent, ou brutalement en ne disant rien: les deux fonctionnent, la deuxième méthode mieux que la première.
Ensuite, on peut revenir vers le coaché, qui, tourné à nouveau vers lui-même, (re)trouvera sa capacité à raisonner et à se valider par lui-même sans chercher la bénédiction du coach.
C’est dans ces moments d’introspection que les questions ouvertes sont précieuses: le coach agile se doit de changer de posture et de « disparaître » en tant que personne douée d’opinions et de ressentis – dans ses questions du moins – pour que le coaché puisse être libre de s’explorer sans subir l’influence extérieure d’une personne qui n’est pas lui, qui n’a pas son vécu, qui n’a pas sa situation.
Des questions du type « Tu ne penses pas que ce serait pas mal de mettre ça en place? » sont interdites au coach agile : c’est une posture d’expert qui camoufle une injonction derrière une forme interrogative. Pour en revenir aux principes de base du coaching, il est nécessaire de se rappeler que les problèmes des autres sont les leurs, qu’on peut les aider à prendre conscience qu’ils peuvent les résoudre et trouver leurs propres solutions, mais pas les résoudre à leur place.
3. Bien percevoir
Comme vu précédemment, un coaché présentera souvent son problème comme insoluble. La raison en est simple: si la personne expose son problème clairement et dispose des capacités et des compétences pour pouvoir le traiter, elle est déjà en mesure de le faire. Si la personne n’est pas à même d’y parvenir, il sera nécessaire de l’amener à modifier la manière dont elle formule son problème ou la manière dont elle souhaite arriver à son objectif, en trouvant des clefs pour réduire les contraintes du problème.
Le coaching ne repose pas sur la remise en cause de l’objectif: celui-ci appartient au coaché et lui seul peut réviser ou non son objectif.
Le coaching s’intéresse et travaille sur la manière dont sont exprimées les difficultés liées à l’objectif du coaché, afin que celui-ci change son angle de perception, envisage de nouvelles options, pour atteindre son objectif.
4. Les pièges à éviter
L’attitude consultant
Le grand piège d’un coach qui débute est son envie d’aider. Ou son envie d’être aimé. Cela peut donner le désir de fournir au coaché des solutions préfaites et mener à un comportement en biais et un questionnement décalé et privant le coaché d’un espace qui lui est propre. Qui plus est, par des propositions ou suggestions présentes dans ses questions, le coach donne des solutions ou des orientations qui proviennent de son contexte, de sa perception. Pour pouvoir les appliquer, le coaché sera obligé d’adopter la même perception que le coach, et n’aura pas travaillé sur sa propre capacité à modifier, par lui-même, son angle de vue.
Un exemple?
« Est-ce que tu penses qu’en discutant avec ton manager, tu ne risques pas de prendre des risques? »
Bon… Ok, c’est une question fermée… alors autre exemple:
« Quels sont les risques que tu prendrais en allant voir ton manager? » (alors que le coaché n’a jamais parlé de risques avant la question).
C’est un exemple réel…
Plus généralement, les questions qui commencent par « est-ce que tu penses que… », « est-ce que tu vois… », « est-ce que tu comprends… » sont souvent à éviter, car sont propices aux suggestions.
Le péché d’analyse. Pourquoi?
Nous grandissons, dans nos sociétés occidentales, dans une pensée analytique. Ce n’est pas tant qu’elle est mauvaise, mais plutôt qu’elle n’est pas auto-suffisante(la pensée analytique est un outil puissant, lorsqu’elle est employée conjointement avec l’approche systémique).
L’idée principale de l’analyse est qu’il y a une cause principale (root cause) à tout problème. Ce qui revient à dire : « il y a un coupable à tout problème ». Une fois cela admis, il y a un risque fort de positionner en bouc-émissaire puis mettre le bouc-émissaire de côté et ne pas changer.
Et l’outil principal de l’analytique n’est pas mieux: « Pourquoi? ». Connaissez-vous la méthode des 5 (ou 7 (ou …)) « pourquoi »?
Les questions en « pourquoi » amène le coaché à se justifier, à justifier une situation. Plutôt que de lui permettre de modifier la manière dont il perçoit la situation, on lui ancrera plus profondément celle-ci en utilisant ce type de questionnement.
Du coup, préférez des questions circonstancielles (quand? où?)
4. Permettre l’élaboration d’un avenir différent
Les questions réflexives permettent au coaché de réfléchir à sa situation une fois que le changement de perspective est amorcé. Le mot clef de ses questions est « Comment? ».
Comment pourriez-vous mettre en place des tests?
Comment pourriez-vous discuter avec votre manager?
Ce type de questions permet au coaché d’élaborer une nouvelle stratégie qui lui est propre.
Conclusion
Le questionnement est crucial pour le coach (et le questionnement circulaire plus encore, pour le coach systémique).
Il y a cependant beaucoup de manières de poser de « mauvaises » questions en tant que coach. Fort heureusement, beaucoup de bonnes aussi.
Mais, avant tout, il est nécessaire de comprendre la posture d’un coach, son positionnement par rapport à son coaché, son positionnement par rapport au sujet de la discussion et au problème posé par le coaché.