Préparer et faciliter une cérémonie de planification agile de type PI Planning nécessite du temps et une certaine rigueur pour tout facilitateur. Qui plus est lorsque l’accompagnement des équipes en est à son commencement, qu’un tel exercice n’a jamais été réalisé en leur sein et que le remote est de mise.
A notre petite échelle, la cérémonie ne pourra donc pas se tenir en présentiel mais bien à distance. Une question se pose alors : repousser cet exercice ou le maintenir ?
Flashback
Après 10 jours d’acclimatation au sein d’équipes marketing et digital d’un des leaders du secteur de la santé, le constat et les premières actions à enclencher semblaient se dessiner.
Ces 5 équipes (5 à 8 personnes/équipe), aux métiers et sensibilités différentes (du CRM à l’organisation d’évènements en passant par la création de contenu) nécessitent une visibilité partagée de leurs livrables, leurs interdépendances, en adéquation avec leur capacité à faire. Et un support commun d’échange.
Ce nouveau contexte qu’est la généralisation du travail à distance à durée indéterminée conforte alors ma volonté d’aboutir à une planification agile de leur roadmap sous la forme d’un board. (Une granularité plus fine sur les trois prochains mois, et une maille plus macro, trimestrielle, pour la fin de l’année).
Ce board co-construit deviendra le support commun d’alignement hebdomadaire pour que chaque équipe puisse partager ses accomplissements passés ou à venir et les risques en cours. Mon ambition étant que ce niveau d’information (utile pour tous et disponible en temps réel sur un seul et unique board) invite les équipes à garder et même renforcer ce lien qu’elles avaient en présentiel.
Une belle idée mais qui a tout de même valu quelques ajustements pour limiter les risques de facilitation et atteindre nos objectifs.
- On oublie le déroulé officiel et précis de ce type d’exercice (PI Planning, Big Room planning)
- Les éléments de vision ne seront pas abordés en session mais uniquement rappelés et envoyés au préalable.
- Plus question d’organiser une cérémonie à distance avec 5 équipes. Peu matures en termes de pratiques agiles et n’ayant jamais utilisés les outils collaboratifs pressentis pour réaliser cet exercice, cette planification sera réalisée équipe par équipe sur des créneaux d’une heure seulement (équipes également peu disponibles, un autre sujet qui m’attendra plus tard dans mon accompagnement)
Vous l’aurez compris, dans ce contexte, l’objectif est de découper l’exercice initial pour le rendre asynchrone afin de :
- Passer le temps nécessaire avec chaque équipe pour comprendre l’intérêt méthodologique de l’exercice,
- Faciliter la prise en main de l’outil avec vos équipes à distance,
- Susciter l’adhésion,
- Réduire les risques du facilitateur
Une première planification, synonyme de première victoire, qui débouchera a posteriori sur une seconde étape d’identification des dépendances.
Quel outil utiliser ?
Pour faciliter les réunions d’équipes à distance, différents outils peuvent répondre à ce besoin (I-Obeya, Mural, Miro, Klaxoon ou encore Milanote). Mais au vu du contexte, l’outil Mural a permis d’avoir un cadre de facilitation (préparation plus animation en direct) confortable. Dans une optique de management visuel encore plus pérenne et plus ordonné à l’échelle d’une entreprise, I-Obeya aurait été encore plus approprié.
Attention tout de même à respecter l’utilisation des outils officiels entreprise en premier lieu. Si un écart doit être fait car ceux-ci ne répondent pas au besoin, l’exercice devra rester une expérimentation, et il faudra au minimum s’aligner avec les responsables outils de l’organisation (Département IT, Cellule Transformation). Au-delà de faciliter, une bonne pratique consiste également à sensibiliser vos équipes à distance en séance à ce point sensible.
Quel déroulé pour ces premières sessions ?
- Buffer/Marge de manoeuvre : Accueil, connexion à l’outil, et prise en main
- Objectifs de la session et sa place dans l’approche globale de l’exercice
- Planification (l’équipe collabore pour construire et afficher les livrables attendus pour les trois prochains mois et les deux derniers trimestres de l’année)
- Indice de confiance : de 1 à 5, à quel point êtes-vous confiant pour réaliser ces livrables mois par mois ?
- Si note inférieure à 5 : que vous manque-t-il pour remonter votre indice de confiance ?
- Ces éléments représentent les facteurs de risques (capacité, dépendances inter-équipes,…). Il est important de les consigner sur une autre partie du board et d’initier un plan d’action.
- Réajustement de la planification après indice de confiance
- Feedback de la session et proposition d’amélioration du management visuel
- Rappel des prochaines étapes aux participants
Prochaines étapes :
- À la fin de chaque session facilitée à distance, les équipes ont été invités à se rendre régulièrement sur le board pour voir les updates des autres équipes, réajuster leurs éléments et entrer en contact avec leurs collègues pour ajustement. (Cet exercice s’est déroulé en asynchrone sur trois jours)
- Pour ancrer les pratiques et se synchroniser, un suivi hebdomadaire, une cérémonie « weekly » sur le même mode qu’un daily stand-up est mis en place (un représentant par équipe)
- Une seconde session d’une heure par équipe est prévue sur le thème des dépendances.
Quelques tips pour faciliter vos équipes à distance 😉
- Garder un buffer en début de session de 10 minutes pour que tout le monde soit connecté et ait pris en main l’outil (une mini session d’initiation évite bien des déboires par la suite)
- Préparer le plus possible le board (template d’atelier, post-it déjà sur le board, template commun sur les post-it) pour gagner en efficacité en session et diminuer les zones d’incompréhension
- Consigner le déroulé de l’atelier sur le board (pour ne pas jongler entre plusieurs supports durant le partage d’écran)
- Choisir un outil possédant un board assez grand pour avoir différentes zones. L’objectif est d’avoir un unique board afin d’éviter les aller-retour entre différents board des participants et les garder avec soi
- Posséder un outil avec les fonctionnalités suivantes : timer visible par tous, fonctionnalités de vote et export
- Si l’outil le permet, « fixer » certains éléments de cadre du board (tableau, formes, template, quelques inputs de précédentes équipes). Certains utilisateurs novices sur l’outil ont tendance à déplacer des éléments sans s’en rendre compte.
- Si l’outil ne permet pas un suivi d’historique, réaliser des exports après chaque atelier (une sécurité en cas de disparition ou de « maltraitance » involontaire du board).
Le mot de la fin
Cet article n’a jamais eu pour ambition de décrire comment remplacer au sens strict du terme un PI planning présentiel en remote dans son déroulé et son timing. Mais il vous offre une solution détournée et des pistes de réflexion pour atteindre les objectifs de cette cérémonie, avec les contraintes de télétravail auxquelles nous sommes aujourd’hui (et peut-être même dans le futur) confrontés.
À l’heure actuelle, ces équipes profitent du travail réalisé lors de ces ateliers avec un rendu semblable à ce qu’elles auraient pu obtenir lors d’une session présentielle. Elles ont pu reprioriser, adapter leur charge à leur capacité, proposer une roadmap soutenable et se synchronisent chaque semaine devant cette planification évolutive.
Notre métier de coach agile évolue dans ce contexte mais les principales lignes directrices perdurent et n’ont jamais été aussi importantes : favoriser les interactions entre les individus, s’adapter aux contraintes et aux équipes, délivrer et s’améliorer en continu !