Pour survivre dans un monde marqué par le changement permanent, les entreprises doivent nécessairement s’adapter. On parle de business agility pour décrire leur capacité à être réactives aux évolutions du marché. Alors, comment devenir une entreprise agile ? Comment déployer l’agilité à l’échelle de toute une organisation ? Sans toutefois parler de recette miracle ou de framework sur-mesure, notre expert Eric Ducasse et notre thought leader Arie van Bennekum reviennent sur l’état de la business agility d’aujourd’hui et abordent 4 leviers pour vous aider à transformer votre entreprise en une organisation efficace, innovante et réactive au changement.
- Business agility : définition et enjeux
- L’agilité en entreprise, 20 ans après le Manifeste Agile
- Les challenges d’une transformation agile
- Les 4 leviers à actionner pour déployer votre business agility
- Progresser en business agility : le chemin à parcourir depuis la prise de conscience jusqu’aux automatismes
1. Business agility : définition et enjeux
Les entreprises, de toutes tailles, cherchent à rester compétitives dans un contexte économique qui évolue de plus en plus rapidement. Celles qui se démarquent aujourd’hui, sont celles qui ont su s’adapter aux perturbations extérieures. Elles ont fait preuve d’innovation et se sont montrées capables de se transformer de l’intérieur.
Les entreprises les plus performantes ont un fonctionnement agile, s’appuyant sur un certain mindset (état d’esprit) et des frameworks (pratiques de travail), qui les rend adaptables par nature. Leur style de gouvernance offre l’avantage de pouvoir prendre des décisions sur lesquelles tous les métiers et fonctions sont alignés, comme une seule et même entité.
Le Business Agility Institute (BAI) définit l’agilité en entreprise comme un ensemble de capacités organisationnelles, de comportements et de méthodes de travail qui offrent à votre entreprise la liberté, la flexibilité et la résilience nécessaires pour atteindre son objectif.
Pour Eric Ducasse, Directeur de l’Offre Transformation des Organisations chez Wemanity, « l’enjeu de la business agility, c’est bien de permettre à l’entreprise de s’adapter beaucoup plus rapidement à son marché, à ses clients, à des nouveaux entrants, ou à des crises successives… ». La pandémie mondiale de la Covid-19 nous aura montré l’importance de pouvoir se reconfigurer en cas de crise et d’extrême incertitude.
2. L’agilité en entreprise, 20 ans après le Manifeste Agile
Rédigé en 2001, le Manifeste Agile ambitionne d’améliorer les pratiques de conception et développement de logiciels. Arie van Bennekum, Leader d’opinion à Wemanity, en est l’un des co-auteurs. Les DSI (Directions des Systèmes d’Information) se sont progressivement appropriés les 4 valeurs et les 12 principes. Au fil des années, les pratiques et frameworks agiles se sont répandues au sein des équipes informatiques.
20 ans après, l’agilité reste encore majoritairement cantonnée aux fonctions SI et IT. Selon le 14th Annual State of Agile Report, elles représentent 63 % des équipes ayant adopté l’agilité dans leurs pratiques de travail. Les framework tels que Scrum ou SAFe sont bien adaptés aux équipes de développement, mais montrent leurs limites lorsqu’il s’agit de propager l’agilité aux autres fonctions de l’organisation : opérationnelles, marketing, commerciales, RH, achats…
Si l’agilité en soi ne fait plus débat, sa mise en place reste néanmoins hétérogène. L’adjectif « agile » est de plus en plus connu et employé, mais malheureusement parfois galvaudé : ce même rapport State of Agile nous apprend finalement que 84 % des entreprises interrogées ne s’estiment pas assez matures en matière d’agilité.
3. Les challenges d’une transformation agile
La business agility est en réalité bien plus qu’un mélange de méthodes ou d’outils à appliquer tels quels. C’est une approche globale de la transformation des organisations. Elle est transverse à tous les niveaux hiérarchiques et métiers. « C’est un projet d’entreprise et non pas seulement un projet business », souligne Eric Ducasse. Elle remet en cause les paradigmes existants, et est indissociable de la culture d’entreprise. Et changer les habitudes, croyances et mentalités, c’est bien cela qui est le plus complexe ! En outre, baser sa stratégie sur les outils, pratiques et frameworks, plutôt que sur la culture, est l’une des principales raisons pour lesquelles la plupart des transformations agiles échouent…
Pour pallier ces difficultés, il faut prendre le temps nécessaire pour former les dirigeants, managers et collaborateurs. En ce sens, nos experts accompagnent leurs clients vers l’agilité de bout-en-bout, aussi bien au niveau stratégique, tactique, qu’opérationnel.
Au-delà de la formation, Arie van Bennekum met l’accent sur la difficulté pour les coachs et les agents du changement de devoir apporter le juste niveau d’accompagnement en guidant les clients avec assurance, sans pour autant leur dire quoi faire à leur place.
4. Les 4 leviers à actionner pour déployer votre business agility
S’il n’existe pas de modèle standard d’agilité des entreprises, et si nous n’avons pas qu’un seul type d’exemple d’entreprise agile, une question se pose : par où commencer ? Voici quatre grandes composantes de la business agility sur lesquelles vous pouvez agir.
1. Le rôle du management pour impulser le changement vers la business agility
Pour Eric Ducasse, la première étape réside dans l’alignement du top management. Il appartiendra à la direction de donner envie à tous de se lancer dans l’aventure. La démarche top-down sera d’autant mieux comprise et acceptée que la direction est moteur et montre l’exemple de son agilité managériale. Un point de vue partagé également par Arie van Bennekum, pour qui la première responsabilité des managers dans la transformation agile, c’est d’être des rôles-modèles.
Ensuite, il est fondamental de considérer le facteur humain et la culture d’entreprise. Celle-ci est constituée de l’identité/histoire de l’entreprise, des valeurs communes, des rites et fonctionnements. Toute réorganisation est peine perdue si l’on n’en tient pas compte. C’est la raison pour laquelle nous sommes persuadés de l’importance de mener une transformation agile avec les RH, en tant que spécialistes de la conduite du changement.
« Notre approche [explique Eric Ducasse] commence par un assessment de l’organisation, de sa culture, des perceptions… Nous menons des entretiens, procédons à des observations du terrain et analysons, pour restituer un état des lieux à notre client. Ensuite, seulement, il s’agit de se fixer une ambition commune et de passer au plan d’action ».
2. Des équipes multidisciplinaires pour une organisation agile
Seule une structure flexible peut permettre à l’organisation de s’adapter à un environnement aux caractéristiques VUCA (Volatility, Uncertainty, Complexity, Ambiguity). La rigidité de l’organigramme hiérarchique et de la bureaucratie représentent des freins importants à la business agility. Les processus de prise de décisions sont longs, parfois déconnectés de la réalité du terrain, le reporting prend du temps…
« Beaucoup d’entreprises se sont construites pendant des années, comme un immeuble que l’on construit étage par étage, mais aujourd’hui, lorsqu’elles ont besoin de pivoter, cela devient très compliqué : le paquebot est devenu trop difficile à manœuvrer », analyse Eric Ducasse.
Les silos empêchent en effet les départements de collaborer efficacement. Le marketing, le juridique, la production, etc. : toutes les disciplines devraient travailler ensemble, dans un but commun. Elles ont un grand besoin d’alignement, or, aujourd’hui, ce sont des fonctions qui travaillent séparément, avec leur propre culture, leur propre fonctionnement, leur propre champ d’expertise… et l’interconnexion se fait assez mal.
Et si l’on mettait en place des équipes cross-fonctionnelles, auxquelles on accorderait toute confiance pour s’auto-organiser ? Des équipes agiles, autonomes et responsables. L’organisation, elle, tiendrait le rôle de facilitatrice, pour leur donner les moyens d’accomplir leurs missions et pour les guider vers une vision partagée.
Cette façon de travailler est aussi plus motivante pour les individus. Daniel Pink explique en effet, dans son livre « Drive », que la motivation repose sur 3 éléments clés : l’autonomie, la maîtrise et la finalité. Il ajoute : « Le secret de la performance (et de la satisfaction) […], c’est le besoin profondément humain de diriger sa propre vie, d’apprendre, de créer de nouvelles choses et de s’améliorer ».
Arie van Bennekum en est lui aussi convaincu. Il aime à répéter que « chacun doit être l’architecte de sa propre vie ». Cela signifie prendre la responsabilité de ses actions et de son développement. S’il n’est guère possible de faire changer une personne ; en revanche, le changement profond vient de l’individu lui-même, qui va ensuite l’amener au sein de son environnement. Ce processus est à encourager.
3. Orienter son approche sur la chaîne de valeur pour réduire le time-to-market et fiabiliser le delivery
Plusieurs étapes se succèdent jusqu’à la mise sur le marché du produit : c’est ce que l’on appelle la chaîne de valeur ou le flux de valeur (value stream dans SAFe). Un value stream est composée des activités, systèmes, outils, personnes et flux d’informations, nécessaires pour délivrer une solution qui apporte de la valeur à son utilisateur final. Cette solution peut être un produit physique ou digital, ou bien une prestation de service.
Une entreprise a autant de value streams que d’offres qu’elle propose à ses clients. Son organisation devrait donc se tourner vers l’atteinte des objectifs business associés à chaque flux de valeur, définis sous forme d’OKR.
Modéliser la chaîne de valeur permet non seulement de l’optimiser, mais aussi d’aligner toutes les parties prenantes sur l’objectif commun. En outre, on pourra mettre en évidence les moments critiques où la chaîne risque d’être stoppée : les prises de décision, les aller-retours entre direction, les phases de test, de conformité légale, etc. Une mise à l’arrêt ou un retour arrière à cause d’un défaut, ferait perdre un temps précieux à l’entreprise. Les intervenants dans ces phases devraient être intégrés bien en amont dans le processus.
Eric Ducasse préconise d’identifier la ou les chaînes de valeurs pour lesquelles il y a un intérêt à devenir plus agile, là où les gains business sont les plus évidents et le besoin d’alignement le plus demandé par les équipes. Puis de commencer par mettre en œuvre la business agility sur une première chaîne de valeur, qui fera office de « pilote », avant de la déployer à d’autres. Ce déploiement itératif et incrémental contribue à augmenter la courbe d’apprentissage de la structure.
4. Concevoir des produits innovants, qui répondent aux besoins des consommateurs
Le management impulse le changement, les équipes pluridisciplinaires s’organisent par chaîne de valeur pour délivrer de manière efficiente le produit au client. Un autre levier sur lequel vous appuyer pour faire preuve d’agilité business, est celui de l’innovation produit et de l’adéquation du produit avec le marché (on parle aussi de Product Market Fit).
« Il faut toujours s’assurer que l’on apporte de la valeur » insiste Arie van Bennekum, en référence à la capacité d’une entreprise et de son business model à s’adapter à son marché et seules des démarches de type test & learn permettent de s’en assurer.
Il s’agit pour les acteurs économiques de sans cesse s’assurer de répondre aux besoins des consommateurs et de surveiller l’arrivée d’acteurs disruptifs (Uber, Airbnb ou Netflix ont respectivement bouleversé les secteurs des transports urbains, de l’hôtellerie ou de la location de films). Il est capital pour être innovant, de renforcer la connaissance de son client-cible et de ne pas négliger la phase de recherche utilisateur. Cela va vous permettre d’anticiper ses attentes, et même d’aller au-delà.
Prenons exemple sur les acteurs ayant démontré leurs capacités d’innovation : les startups. La méthode « Lean Startup » présentée dans le livre d’Eric Ries, est fondée sur les concepts d’expérimentation et de cycle d’apprentissage. Après avoir formulé vos hypothèses, vous mettez votre MVP (minimum viable product) le plus rapidement possible sur le marché afin de le confronter à la réalité, de mesurer les résultats, puis d’améliorer le produit de manière incrémentale et itérative. Cette innovation en continu permet de minimiser les investissements et de réduire les risques d’erreur.
Allez plus loin en lisant l’article sur le management agile.
5. Progresser en business agility : le chemin à parcourir depuis la prise de conscience jusqu’aux automatismes
Le rapport 2020 du Business Agility Institute évalue à seulement 4,8 points sur 10 la maturité moyenne des entreprises en business agility. Cette note s’explique par le fait que la plupart des entreprises (65 %) ont commencé leur transformation depuis moins de 3 ans. Devenir une organisation agile nécessite du temps, vous l’aurez bien compris. Vous pourrez mettre en place une gouvernance, avec des indicateurs pour mesurer votre état d’avancement et comprendre de manière objective où se situent vos axes d’amélioration.
De nombreux modèles existent, nous en présentons quelques-uns dans l’un de nos articles sur l’agilité à l’échelle. « Il est possible de s’en inspirer, de les tordre et de prendre le meilleur dans chacun d’eux pour construire son propre modèle, mais inutile de réinventer la roue ! » conseille Eric Ducasse. Encore une fois, c’est un processus itératif où l’on teste et on apprend.
Nous rappelons du reste ci-dessous, les trois piliers de Scrum, qui sont les prérequis à toute démarche d’amélioration continue :
- Transparence : dire les choses comme elles sont.
- Inspection : évaluer ses résultats.
- Adaptation : en tirer les conséquences et réajuster sa trajectoire.
Des efforts constants seront nécessaires pour que les anciennes habitudes ne reprennent pas leur place insidieusement. Avec le temps, un changement en profondeur pourra s’opérer et les automatismes agiles s’ancreront dans les cultures et pratiques.