Plus de la moitié des entreprises qui existent aujourd’hui auront disparu d’ici dix à quinze ans. Dans la logique de l’apparition des Amazon, Facebook, Tesla, Airbnb … Ces startups créées dans des garages devenues des géants mondiaux en quelques mois ou quelques années sont parvenues à déstabiliser des industries entières… Mais les champions issus de la révolution internet ne sont pas pour autant immunisés contre l’échec : des super géants du net sont déjà tombés comme Yahoo, Netscape et bien d’autres.
Sur quoi repose la pérennité des géants qui seront encore là demain?
Saviez-vous qu’avec 16,1 milliards de dollars investis dans l’innovation en 2017, Amazon est la première entreprise du classement “Global Innovation 1000” ? Chez Google et Alibaba, les montants alloués à l’innovation portent également sur des milliards de dollars annuels. Attention, l’innovation dont on parle ici est une innovation véritable ! Elle est créatrice de nouvelles Startups pour demain et ne se limite pas à des POC (proof of concept) comme je peux souvent le voir dans des Corps qui veulent tester l’innovation sans se remettre en question.
1. À quoi ressemblera l’entreprise de demain ?
Les entreprises qui auront résisté à ce tsunami sont celles qui, au lieu de vivre dans la crainte de se faire ubériser, auront su construire des ponts avec les startups. En l’occurrence, il s’agit de véritables liens de coopération. Pour faire de l’innovation, il ne s’agit ni de créer des murs, ni de lancer des initiatives à 10.000, 20.000 ou 50.000 euros, ou de prendre la décision de faire trois visites dans des incubateurs parisiens ou encore de participer à quelques workshops collaboratifs en open innovation “disruptive” ou même de prendre une autre Corp du conseil mondial pour réaliser un projet à 10, 20 ou 30 millions d’euros parce que cela rassure.
Dans la même veine, le rachat d’une Startup ne relève pas d’une démarche d’innovation. On peut d’ailleurs se demander ce qui motive réellement cette démarche de rachat. Si on réfléchit bien, au bout de quelques mois ou même quelques années (pour celles qui auront résisté au choc des cultures), la Startup sera tuée par la grande entreprise.
L’idée de racheter une Startup n’est pas mauvaise en soi, si on souhaite avant tout s’approprier sa culture. Malheureusement, en général, il se passe plutôt le contraire. En effet, les membres de la Startup, profils souvent atypiques et hyper entreprenants finissent par quitter le navire plus ou moins rapidement, car ils ne reconnaissent plus dans la bataille qu’ils menaient.
Pour comprendre ce point, il faut revenir sur ce qu’est une Startup précisément. En effet, huit fois sur dix, la Startup est une bande de pirates qui veulent hacker un système et combattre un gros, des gros acteurs du marché. Alors, à votre avis que se passe-t-il quand le gros qu’ils ont si longtemps attaqué les rachète, alors que leur ambition initiale avait été de le décimer ?
En fait, procéder de la sorte consiste, selon moi, à prendre le problème à l’envers. Je ne dis pas pour autant que cette démarche est à proscrire et infaisable, mais la mayonnaise prend rarement. Comment peut-on penser qu’une Startup de 15, 30 ou même 100 passionnés va pouvoir intégrer, faire tache d’huile et changer une organisation qui compte 100.000 ou 200.000 employés ? Là même où la commande d’un ordinateur peut prendre 3 semaines et la création d’un accès ou adresse email ou même l’achat d’une simple housse peut prendre deux mois… Alors qu’une heure maximum suffit en se rendant à l’Apple Store le plus proche.
Le problème n’est pas du tout insoluble, bien au contraire. Cependant le résoudre prend plus de temps que le rachat d’une jeune pousse ou une série de quelques workshops.
Il y a un mot (bien que très galvaudé actuellement, car il est à la mode) qui a tout son sens aujourd’hui: c’est la Transformation.
Je ne parle pas là de «transformation digitale», véritable expression tarte à la crème dont personne ne sait exactement ce qu’elle veut dire. Je parle bien ici de transformation interne de l’organisation. Une transformation qui commence par la culture, puis qui est suivie par le changement de toute l’organisation, car le Top Down est définitivement mort ! Transformation qui pour finir se concentre sur les pratiques technologiques, ce qui va précisément permettre aux entreprises de devenir des plateformes technologiques ouvertes sur leur écosystème. Or pour réaliser ces différents sujets de transformation, il ne faut pas se contenter de colmater: il est indispensable de tout repenser.
Repenser l’entreprise dans un moment où tout le monde parle de mindset et de droit à l’erreur, doit nous mettre en mesure de promouvoir la liberté d’initiative et le « fail fast ». C’est pour cela que tester, tester et encore tester sont les mots d’ordre pour parvenir à créer un projet viable aujourd’hui.
Les corporate (Corps) doivent donc se reconfigurer de fond en comble pour assurer leur survie, sans quoi, c’est déjà le début de la fin pour elles. La solution pourrait reposer sur une démarche différente reposant sur des étapes précises permettant de développer des cercles vertueux d’innovation.
En effet, au cours de sa transformation culturelle, la Corp (corporate) va laisser une réelle liberté d’initiative, de capacité à tester et donc de créer de nouvelles Startups en son sein. Elle va également être en mesure de co-créer des Startups avec l’externe. Lors de sa démarche de refonte même de l’organisation, passant par l’abandon du management pyramidal, les collaborateurs «entrepreneurs dans l’âme» (qui se sentaient trop à l’étroit dans la version traditionnelle de la Corp), vont se voir pousser des ailes. Dans cette même dynamique, les Startups vont être amenées à venir coopérer avec cette Corp afin d’être en mesure de scaler leur modèle.
On arrive donc simultanément à la fin de la Corp et à la fin de la Startup qui quant à elle a de plus en plus de mal à vivre seule dans son coin. Il faut savoir qu’à l’échelle mondiale, moins d’une Startup sur 30,000 réussit après 3 ans et que plus de 2.000 nouvelles applications mobiles sont lancées chaque jour sur l’App Store (chiffre 2014, Source : Adjust).
Mais comment sortir de cette guerre multifronts qui se déroule actuellement entre les Corps elles-mêmes et entre Corps & startups ? Commençons par y mettre fin en donnant naissance à un nouveau type d’entreprise : la CorpUp. Le but de la CorpUp est de devenir un écosystème disposant de sharing services tout en étant capable de créer et d’incuber de nouvelles Startups en permanence. La Corp devient alors un hub capable de créer et d’accélérer les Startups sans nuire à leur culture.
De son côté, la Startup est très forte pour passer d’une échelle de 0 à 10. Quand de l’autre côté, la Corp est très forte pour scaler le modèle et le faire passer de 10 à 100 et cela sans avoir besoin de lever 100 millions d’euros. Une fois lancées, les Startups se retrouvent immédiatement face à un autre challenge : celui de scaler très rapidement. C’est une urgence à résoudre avant que les Corps comprennent le sujet et ne s’en emparent, avant qu’une autre Startup s’approprie l’idée et ne la déploie plus rapidement ou enfin avant qu’un géant réalise lui-même l’idée en question en la développant plus vite.
2. Comment la Corp permet-elle de scaler ?
Grâce à leurs fonds, leur base de clients et leur implantation dans de nombreux pays à l’international (10, 50 ou même 100 pays), Ces Corps peuvent vraiment tirer leur épingle du jeu. Comment ? Certainement pas en se positionnant en concurrent des Startups. Par contre, les Corps peuvent s’assurer un kit de survie en devenant les rampes de lancement des Startups, en les créant seules ou au sein de corporate startup studios (des structures qui développent des startups avec des Corps, comme Barefoot chez Wemanity).
Pour parvenir à ce résultat, il faut que la Corp soit capable d’accueillir les Startups et de fonctionner comme elles. Cela rend la transformation en interne incontournable. Les Corps doivent parler le même langage que les Startups pour réussir la meilleure coopération possible. En quoi consiste donc la coopération entre Corps et Startups ? Cette coopération revient à créer ensemble une œuvre d’art, quelque chose de plus grand que soi et surtout au-delà des préoccupations de sa propre business unit. Souvenez-vous du sens initial de la coopération. Ce mot a une première racine latine “Opera”, qui veut dire chef d’œuvre et non pas collaboration… et sa racine latine : “laborare” traduit un travail difficile (labeur).
Il s’agit donc d’une démarche d’hybridation réelle permettant à chaque partie de bénéficier des atouts vertueux de l’autre afin de se fondre dans un nouveau modèle capable de répondre aux enjeux actuels :
La CorpUp est née !
Dans cette configuration, le grand groupe permet à ses Startups de se développer rapidement (scaler) grâce à sa solide base de clients et à ses nombreuses implantations. Devenu une usine à Startups, le grand groupe peut alors répondre avec toute l’agilité nécessaire et se défaire de ses pratiques hors d’âge qui ne fonctionnent plus. Parmi ses dernières, un bon exemple est de voir à quel point les appels d’offres sont désormais anachroniques. Le processus est devenu beaucoup trop long, obsolète et les critères de choix ne sont plus les bons. Se baser exclusivement sur le prix et la taille l’entreprise sous-traitante n’est pas suffisant et c’est pourtant encore trop souvent le cas. Dans l’économie actuelle, les prix peuvent être toujours tirés vers le bas et le « time to market » ne permet plus à une Corp de lancer un produit 2, 3 ou 4 ans après l’avoir décidé à l’heure où Amazon va mettre une semaine pour lancer deux produits en A/B testing.
Si les grands groupes veulent être en mesure de concurrencer les Startups, leurs meilleures armes sont d’autres Startups qui vont leur permettre de se battre à armes égales. Dans ce contexte, voir des grands groupes avoir recours à d’autres grands groupes est devenu une aberration.
Désormais, la pratique de base est de tester une idée le plus rapidement possible sur le marché pour voir le « market fit » et avoir un retour immédiat ou au plus tard en une ou deux semaines. C’est dans ce registre qu’Amazon pratique l’A/B testing. Deux équipes vont tester une idée en une semaine afin d’avoir des retours de plusieurs dizaines ou centaines de milliers de clients au bout d’une semaine.
Aujourd’hui, les Startups sont encore trop souvent basées sur la solution qu’elles proposent et pas assez par le problème qu’elles proposent de résoudre. Partir du problème et tester ses différentes hypothèses de résolution en temps réel est justement ce qui va leur permettre de proposer leur réelle solution.
3. Voici les 3 étapes incontournables pour devenir une CorpUp :
1 : La culture
Ne vous fiez pas aux apparences, la culture est bien la première de ces étapes ! En effet, rien n’est plus important que le capital humain d’une entreprise. C’est l’état d’esprit partagé par les collaborateurs, qui constitue le fuel de l’entreprise. L’entreprise ne peut fonctionner qu’à travers une adhésion de chacun à une culture incarnant un ADN fédérateur et inspirant.
Rien n’est plus fédérateur que la fierté d’avoir accompli quelque chose de grand ensemble. Travailler, ce n’est pas effectuer des tâches successives, c’est se réaliser à travers l’accomplissement d’un projet en commun. Chez Wemanity c’est ce que nous résumons à travers notre moto : « work is not a job ».
La mutation suppose de commencer par changer le mindset afin que tous partagent la même vision, les mêmes valeurs et la même mission à travers une contribution commune.
L’utilisation des méthodes Agiles pour infuser une culture et des pratiques communes reste pour le moment le meilleur moyen de démarrer sa transformation. Cette première étape de la transformation repose donc sur une refonte de la culture et de l’état d’esprit en formant toutes les équipes aux pratiques Agiles inspirées des méthodes de travail des Startups.
2 : L’organisation
Comment peut-on encore imaginer en 2018 travailler dans une organisation ultra-hiérarchique et rester hyper engagé sur la durée en se plaçant dans une démarche d’innovation permanente ? L’avenir nous le dira, mais à l’heure actuelle, je pense que nous devons renverser les pyramides et arrêter la hiérarchie telle que nous l’avons connue jusqu’à aujourd’hui. Pour cela il faut d’une part favoriser le servant leadership au service de ses équipes (ce n’est plus le chef qui impose, mais la communauté qui s’engage) et d’autre part, mettre en place une organisation nouvelle, dont l’ADN est construit avec les gènes de l’Agile, de l’innovation et de la coopération.
L’organisation doit être repensée. À titre d’exemple, chez Wemanity, après avoir testé de nombreux modèles du marché comme l’holacratie, Spotify et tant d’autres, tous plus intéressants les uns que les autres, nous sommes arrivés à la conclusion qu’ils sont des modèles d’inspiration à tester, mais qu’au final, le meilleur des modèles est celui que l’on crée ensemble, avec ses équipes, comme nous l’avons fait nous-mêmes avec WeNation et notre organisation en Pods (Capsules : détails dans un article à venir…). Ce modèle co-créé en interne nous a permis de scaler notre entreprise et de passer de 3,4 millions d’euros de chiffre d’affaires à plus de 50 millions en moins de trois ans, le tout réparti à travers une vingtaine de Startups : et ce n’est que le début !
La hiérarchie est morte ! Les organisations pyramidales sont périmées. La transformation de l’organisation repose donc sur le démantèlement de sa hiérarchie qui lui permet aussi de se rapprocher de ses clients.
3 : La technologie
Quelqu’un peut-il dire aujourd’hui que son entreprise n’est pas et ne sera pas une entreprise technologique ?
Personnellement, que l’on fabrique des voitures, des cartes de visite ou encore des bureaux, comment imaginer ne pas devenir une plateforme technologique ou un Hub relié à d’autres hubs ?
Dans ce cadre, comment peut-on encore imaginer en 2018 ne pas utiliser des pratiques agiles dans ses équipes techniques ? Comment peut-on encore imaginer travailler en forfait avec ses clients avec un délai fixe, un prix fixe et un périmètre fixe, sur des critères entérinés des mois ou des années avant la fin, voire même avant le début du projet ?
Enfin, comment imaginer faire 1, 2 ou 3 mises en production par an alors que toutes les entreprises à la pointe font du «continuous delivery» ? La livraison continue permet par exemple de faire des modifications en temps réel dans le code et non pas d’attendre 3, 9 ou 12 mois pour la passer en production. Il en est de même quand nous parlons de développement orienté test (TDD, test development driven) devenu également une base essentielle du développement afin d’éviter de tester un produit à la fin de son cycle. Il s’agit de changer de prisme et de commencer par tester le code avant de commencer puis de le tester en continu. Cette approche n’est plus plus non plus une option. En ce qui concerne ce troisième point, il convient à la fois de changer la technologie souvent obsolète et les pratiques liées aux technologies au sein de l’organisation.
En conclusion
Pour muter, pour changer à marche forcée, il faut donc s’appuyer sur les forces du Nouveau Monde : la rapidité et l’adaptabilité. Pour y parvenir, il ne faut ne pas se contenter d’acquérir des Startups, mais intégrer l’ADN d’une Startup au sein du corps et des gènes du grand groupe.
CorpUp fait donc partie de notre nouveau dictionnaire. Cette appellation synthétise l’hybridation d’une Corporate et d’une Startup. Le but : intégrer le meilleur des deux mondes dans une nouvelle forme d’organisation adaptée à l’environnement actuel.
La CorpUp va créer, tester et lancer comme une Startup puis scaler, se déployer comme une Corporate, mais avec une équipe alignée, partageant la même vision, la même mission et les mêmes valeurs, qui y sont donc intégralement déclinées.
Structure hybride, la CorpUp va développer de l’innovation, en passant par une thérapie radicale, un hacking d’ADN où le meilleur de la Startup fusionne avec les avantages des grandes entreprises. L’entreprise du futur sera une CorpUp ou ne sera pas !