Imaginer un produit à succès n’est pas chose aisée, plus encore dans le contexte actuel où la technologie change le monde et favorise une accélération du changement comme jamais auparavant. Notre environnement évolue vite et il est de plus en plus complexe.
L’avènement du consom’acteur que nous sommes devenus, presse les organisations à accélérer l’adaptation de leurs activités face aux nouvelles habitudes de consommation. La crise sanitaire actuelle nous le démontre régulièrement. Le pouvoir a changé de mains et c’est maintenant le client qui le détient.
Les organisations adoptent de nouvelles façons de travailler, avec de nouveaux outils et de nouvelles méthodes, dans l’espoir qu’elles les aident à livrer de meilleures solutions. L’agilité est devenue une question de survie, une finalité plus qu’un moyen.
L’agilité en soi ne fait plus débat de nos jours, cependant sa mise en œuvre reste parfois critiquable car principalement focalisée sur les seules étapes de conception et de développement. Pour notre consultant, Daniel MOYA, coach produit et expert agile chez Wemanity, « les organisations oublient de se demander s’il s’agit du bon produit, celui qui va ravir et apporter de la valeur à un utilisateur volatile qu’il faut sans cesse satisfaire… ». Pour nous il dresse ici quelques éléments de réponses à cette problématique.
1. Les pièges à éviter
Encore aujourd’hui, la transformation numérique d’une organisation est trop souvent considérée comme un projet de transformation, et non comme un changement culturel continu. Adopter de nouvelles méthodes et de nouveaux outils, c’est bien. Mais pour ancrer le changement de façon pérenne, adapter également la posture des individus et la culture d’entreprise… c’est mieux !
Il est facile d’observer les règles suivies depuis longtemps par les acteurs de l’entreprise pour comprendre qu’elles ne favorisent ni l’autonomie, ni la prise d’initiative bien au contraire. « Les organisations adoptent le Lean Startup ou le Design Thinking, au sein d’un processus de conception séquentiel encore immuable aujourd’hui procurant un faux sentiment d’innovation. Le design washing est tendance. » s’agace Daniel. Il est nécessaire d’adopter un processus de conception évolutif basé sur une découverte et un apprentissage constant et régulier.
La doctrine consiste à se rassurer en étant prédictif au plus tôt afin de limiter l’incertitude et donc le risque. Suivre le plan, même erroné, c’est progresser, y compris dans la mauvaise direction. Le changement reste perçu encore comme une anomalie et non comme une opportunité d’amélioration. « Aucun business plan ne résiste au premier contact client » disait Steve Blank, entrepreneur de la Silicon Valley et père de l’état d’esprit Lean Startup. « Innover comme une startup [explique Daniel], c’est davantage un changement d’état d’esprit qu’un changement d’outil ou de méthode ».
« Beaucoup de nos idées ne fonctionnent pas, du moins pas du premier coup, et cela pour diverses raisons » ironise Daniel.
La véritable naissance d’un produit a lieu lors de la confrontation entre ce dernier et le client, et non lors des premières étapes de réflexion.
Ce n’est donc pas le moment de démobiliser une partie des équipes, bien au contraire : les informations les plus importantes proviennent directement des clients eux-mêmes, via l’observation de leurs problèmes et dans l’analyse des données comportementales qu’ils génèrent avec l’usage du produit. « Encouragez l’exploration régulière et continue de nouvelles solutions à des problèmes bien réels » insiste Daniel.
2. Les clés de la réussite
En réponse à ce défi, Daniel préconise de maîtriser les techniques permettant d’expérimenter des idées rapidement et à moindre coût, pour ne conserver que celles qui méritent d’être implémentées, et d’accepter qu’une grande majorité des idées ne soit tout simplement jamais mise en œuvre. « Il s’agit là d’un changement fondamental dans le processus usuel de conception » reconnaît Daniel. On retarde ainsi la décision de lancer des développements jusqu’au moment où c’est réellement nécessaire, après validation des hypothèses par des faits tangibles.
« En réalité [constate Daniel], trop de décisions s’appuient sur le seul jugement ou intuition de quelques personnes. La pensée rapide de notre cerveau présume du comportement de l’utilisateur ». Aucune intuition ne saurait remplacer un travail de recherche approfondi ainsi qu’une confrontation des solutions potentielles auprès des utilisateurs. Trouvez le bon équilibre entre les approches qualitatives et quantitatives et multipliez les activités de collecte d’informations, d’expérimentations et d’observations. « Cela coûte moins cher qu’un développement, surtout si vous vous trompez » précise Daniel.
La clé pour innover réside dans la rapidité d’exécution et des cycles courts où l’on itère sur tout un ensemble d’activités. « C’est un malentendu récurrent [constate Daniel], les organisations utilisent un processus séquentiel, où les étapes se succèdent les unes après les autres sans retour arrière possible, et non au sein d’un processus continu ».
L’observation du comportement de l’utilisateur par exemple, est régulièrement menée lors des premières réflexions et à partir de maquette ou de prototype papier. « Il n’est pas rare de constater que le comportement de l’utilisateur est parfois très différent de celui que l’on avait imaginé, l’usage veut que l’on blâme l’utilisateur sans se remettre en question puisque le travail réalisé en amont est nécessairement correct » ironise Daniel.
Imaginer un produit à succès, y compris pour les géants de la Silicon Valley où tout peut sembler facile, c’est assumer un produit aux choix forts ne contenant le plus souvent que peu de fonctionnalités mais rendant le service meilleur. C’est tout sauf un patchwork de fonctionnalités maladroitement emboîtées les une aux autres : de nos jours, le consommateur recherche une promesse de valeur.
« Acceptez le fait qu’il est rare de concevoir l’excellence à la première tentative » signale Daniel. Si l’utilisateur n’utilise pas ou peu vos fonctionnalités, ce n’est pas nécessairement qu’elles sont mauvaises en soi mais, il peut s’avérer qu’il n’arrive tout simplement pas à les utiliser. « Vous n’êtes pas représentatif de l’ensemble des utilisateurs de votre produit. Impliquez-les dans le processus de conception, au plus tôt et de façon continue, cela permet de mieux les comprendre et de tester rapidement vos dernières idées. » confirme Daniel. Il devient plus que nécessaire de bien connaître ses utilisateurs, leurs problèmes et de s’assurer que le produit soit toujours en mesure d’attirer et de fidéliser de nouveaux utilisateurs. « Est-ce que l’entreprise qui n’engage pas une communauté peut-elle survivre à l’ère numérique ? » questionne Daniel.
« Il ne suffit pas de changer d’ingrédients pour faire d’un plat médiocre un mets digne d’un restaurant gastronomique, bien au contraire, changer la recette s’avère plus que nécessaire » déclare Daniel. Le monde numérique dans lequel nous vivons aujourd’hui a rendu obsolète un mix marketing traditionnel ainsi que les modèles d’affaires d’antan. L’organisation doit se réinventer et acquérir les codes culturels et les connaissances nécessaires afin d’obtenir de nouveaux réflexes, certains parleront de changement culturel.