Technique de gestion de projet popularisée par Google, la méthode des OKRs (Objective Key Results) est utilisée dans de nombreuses organisations agiles. En quoi consiste ce framework ? Quelles sont les bonnes pratiques pour l’implémenter ? Découvrez dans cet article comment passer d’une culture de la to-do-list à une culture du résultat, grâce aux conseils de Gilles Lalyre, Product Manager et Product Coach chez Wemanity.
- Qu’est-ce que la méthode OKR
A. Une méthode de management par les objectifs
B. Un framework puissant pour exécuter la stratégie d’entreprise - Comment bien utiliser le framework OKRs
A. Abandonner le management command and control
B. Distinguer les OKR des objectifs SMART et des KPI
C. Exemples de mises en place objectives and key results - Conseils et bonnes pratiques pour adopter la méthode OKR
A. Savoir définir ses OKR : dosage et adhésion de l’équipe
B. Bien mener la phase collaborative de création des OKR
C. Gérer le suivi des keys results
1. Qu’est-ce que la méthode OKR ?
Pour réussir votre stratégie d’OKRs, il est avant tout indispensable de comprendre la logique et l’intérêt du framework, qui se démarque par l’alignement qu’il crée entre vision stratégique et exécution opérationnelle.
A. Une méthode de management par les objectifs
L’essence de cette méthodologie se trouve résumée dans son acronyme, « OKR » signifiant « objectives and keys results », à savoir les objectifs et résultats-clés.
Deux piliers, deux niveaux
Développée par Andy Grove, le CEO d’Intel, la méthode OKR a été proposée à Google par l’investisseur John Doerr, auteur de l’œuvre de référence Measures What Matters et d’un blog du même nom. Le succès ne s’est pas fait attendre, puisque Larry Page, le cofondateur de Google, reconnaît aujourd’hui que le framework lui a permis de multiplier la croissance du géant du web par 10.
Pour autant, la méthodologie OKRs n’est pas réservée aux startups de la Silicon Valley. Elle est souvent proposée en alternative aux méthodes de gestion plus traditionnelles et toutes les entreprises peuvent la mettre en œuvre tout au long de l’année. Elle est très simple puisqu’elle repose sur un fonctionnement binaire : « Il s’agit tout simplement de se demander pourquoi et comment » explique Gilles.
En pratique, le framework repose donc sur deux axes :
- On trouve en effet à un premier niveau les objectifs (objectives), qui correspondent aux buts à poursuivre. Ils fixent le cap, la direction.
- Les résultats-clés (keys résults) interviennent quant à eux à un second niveau, en fixant une valeur à atteindre pour la réussite de l’objectif auxquels ils se rattachent.
En pratique, les objectifs annuels se définissent au niveau de la direction, tandis que les OKR sont trimestriels et fixés par les équipes.
Les principes des OKR
Pour produire des résultats, le framework implique, pour l’organisation, d’adhérer à une certaine philosophie.
- Transparence : une entreprise qui veut appliquer cette stratégie doit commencer par communiquer clairement sur ses objectifs stratégiques et être prête à écouter les éventuelles réactions des équipes. L’alignement recherché entre vision et exécution nécessite ainsi un dialogue, comme le confirme Gilles : « Il faut un échange entre la vision des objectifs stratégiques et leur déclinaison par les équipes. Celles-ci doivent comprendre ce qui vient du sommet de l’organisation, mais aussi pouvoir partager la réalité du terrain. »
- Collaboration : en définissant comment atteindre les buts mesurables, les équipes sont amenées à collaborer avec le top management. Le travail en équipe est également important dans la phase de définition des key results, dans la mesure où le groupe doit débattre des métriques à utiliser et organiser leur suivi et leur gestion lors d’une mission.
- Approche itérative : pour que l’objectif soit atteint, l’équipe doit vérifier de façon régulière (idéalement, une fois par semaine) qu’elle avance correctement et à la bonne cadence, en suivant les key results. Si ce n’est pas le cas, elle doit analyser la situation puis rectifier le tir. Il faut donc décortiquer les résultats obtenus et ajuster les actions.
B. Un framework puissant pour exécuter la stratégie d’entreprise
Si les OKRs s’avèrent particulièrement efficaces et sont couronnés de succès, c’est parce qu’ils donnent davantage d’indépendance aux collaborateurs en leur permettant de définir eux-mêmes leurs attentes des mois à venir, tout en améliorant la visibilité de toutes les parties prenantes sur la progression générale.
Les OKR génèrent de l’engagement
Contrairement aux techniques de management dans lesquelles les objectifs de l’année sont fixés en cascade par la hiérarchie, cette méthodologie offre à tous une meilleure visibilité sur le projet d’entreprise ainsi qu’une plus grande autonomie dans l’organisation de leurs tâches. Les objectives and key results contribuent à l’investissement des équipes.
Alors que l’absence d’objectifs clairs représente une des premières sources de stress et de démotivation, les objectives and key results contribuent à l’investissement des équipes.
« La méthode OKR casse la routine. », précise Gilles. « Le travail ne consiste plus à exécuter des tâches à l’aveugle, mais à réfléchir à l’impact de ses actes. L’équipe trouve du sens à ses actions, sachant qu’il ne peut pas y avoir de dissonance cognitive : une équipe qui a défini comment atteindre un objectif effectue forcément le travail qu’elle a elle-même imaginé. »
La possibilité de suivre les résultats et de les ajuster
Pour Gilles Lalyre, l’un des gros atouts de cette technique réside dans la possibilité d’ajuster la stratégie ou l’exécution, de manière à rechercher en permanence l’alignement entre la vision stratégique et le terrain.
« À l’inverse des objectifs annuels qui sont immuables, les OKR donnent lieu à un suivi basé sur des données, c’est-à-dire de l’information fiable. Cela permet de savoir si l’équipe est sur la bonne voie et d’ajuster, avec toujours deux niveaux : si les résultats ne sont pas au rendez-vous, il est possible, selon la situation, soit d’adapter la façon dont l’équipe travaille, soit de remettre en cause l’objectif. »
Un levier pour casser les silos
À l’heure où bon nombre d’entreprises cherchent à décloisonner leurs services pour gagner en agilité et en performance globale, la mise en place de cette méthodologie constitue l’occasion de créer des équipes pluridisciplinaires, qui avancent sur des projets transversaux avec des envies concrètes et partagées.
À titre d’exemple, la méthode OKR s’applique parfaitement dans le cadre de projets digitaux, l’équipe composée de collaborateurs issus de l’IT, du marketing ou encore de la vente pouvant fixer des OKR mêlant l’ensemble des aspects du projet.
2. Comment bien utiliser le framework OKRs
Si les OKRs présentent une grande simplicité dans leur mise en œuvre et ne nécessitent pas d’autres frameworks tels que Scrum, ils exigent cependant une certaine souplesse. Il convient également de ne pas confondre avec les notions d’objectifs SMART et de KPI.
A. Abandonner le management command and control
Puisqu’ils se définissent en équipe, les OKR s’avèrent incompatibles avec le modèle de management command and control dans lequel une seule personne décide de tout.
En pratique cependant, Gilles Lalyre observe que ce changement de posture managériale est vite accepté, aussi bien du côté des équipes en demande d’autonomie que des managers et dirigeants :
« Dans un système avec des objectifs en cascade, les managers se fondent sur le reporting des tâches effectuées. Mais n’est-ce pas plus intéressant pour une direction d’être informée sur une progression plutôt que sur des jalons ? Dans les faits, et même si l’autonomie laissée aux équipes peut inquiéter au départ, les managers perçoivent rapidement l’intérêt de la méthode OKR. Comme elle repose sur des métriques, elle permet une prise de décision sur la donnée, sans subjectivité. »
Ils viennent donc sécuriser la prise de décision : en donnant de l’information fiable aux managers, ils offrent davantage de visibilité et génèrent une progression mesurable.
Pour autant, ces derniers ne doivent jamais être utilisés pour sanctionner l’équipe. Ils sont un levier pour encourager la collaboration au sein des organisations.
B. Distinguer les OKR des objectifs SMART et des KPI
On se rapproche sur certains points des objectifs SMART, qui invitent, eux, à poser des objectifs spécifiques, mesurables, atteignables, réalistes et temporellement définis. On retrouve ainsi la spécificité et la limitation dans le temps. Pour autant, les deux approches ne se confondent pas, la méthode OKR se démarquant par la fixation d’objectifs qualitatifs (et non pas quantitatifs) et ambitieux, de manière à inciter l’équipe à sortir de sa zone de confort.
Là où les objectifs SMART visent à élaborer et définir un objectif clé mesurable, les OKRs, eux, définissent un objectif beaucoup plus ambitieux sans qu’il soit nécessairement atteignable. De plus, ils connectent cet objectif à son propre résultat et les fait évoluer tout au long de la méthodologie en fonction des victoires et échecs obtenus au cours de la mission.
Le KPI, une donnée brute
Un indicateur clé de performance, s’il permet de suivre l’activité au quotidien, ne sert pas à mesurer une quelconque progression. Il s’agit d’une donnée brute, décorrélée des objectifs. Les KPIs correspondent ainsi à tous les scores et autres métriques renseignant, par exemple, sur la productivité, la qualité ou la capacité : taux de rotation des stocks, panier moyen, NPS (net promotor score), taux de conversion, d’attrition (churn rate), coût d’acquisition client, etc.
L’une des principales différences réside aussi dans l’intention lors de la fixation des objectifs de l’entreprise. Les indicateurs clés sont généralement réalisables et mesurent le résultat d’un processus ou d’un projet déjà installé, tandis que les OKR sont un peu plus ambitieux.
Le key result, une donnée mesurable à exploiter de façon dynamique
Parce qu’il comporte une valeur à atteindre, le key result – ou résultat clé – constitue un moyen pour l’équipe de vérifier qu’elle avance à bon rythme vers l’objectif fixé. Les key results s’inscrivent quant à eux dans une vraie dynamique, en offrant la possibilité de réaliser un suivi de la progression au cours de la mission effectuée. Un résultat clé doit être objectivement mesurable, simple, et doit permettre de suivre votre évolution et votre progression.
C. Exemples de mises en place d’objectives and key results
S’agissant des objectifs, voici trois exemples concrets, pour une entreprise, pour bien comprendre la notion :
- Faire passer un bon moment à nos clients
- Réussir le lancement de notre produit
- Augmenter l’engagement des salariés
Voyons maintenant comment chacun d’entre eux pourrait être décliné en keys results
Objectif 1 : « faire passer un bon moment à nos clients »
- Key result 1 : réduire le taux de perte de clients de 25 à 10%
- Key result 2 : augmenter le nombre de visites hebdomadaires du site internet de 8000 à 12000
- Key result 3 : augmenter le nombre d’utilisateurs qui remplissent entièrement leur profil de 70% à 90%
Objectif 2 : « réussir le lancement de notre produit »
- Key result 1 : obtenir plus de 800 nouvelles inscriptions
- Key result 2 : obtenir des avis produits dans 5 revues spécialisées consultées par la cible
- Key result 3 : atteindre un ratio inscription/essai du produit de + de 20%
- Key result 4 : atteindre un ratio essai du produit/achat de + de 50%
Objectif 3 : « augmenter l’engagement des salariés »
- Key result 1 : organiser une journée par mois pour les salariés et obtenir plus de 60% d’inscription aux activités proposées
- Key result 2 : recueillir l’avis de 80 salariés sur ce qui peut être amélioré et dégager 5 grandes idées
- Key result 3 : atteindre 85% de satisfaction des salariés contre 70% actuellement
- Key result 4 : réduire le turn-over de 15%
Attention : ces keys results et ces chiffres ne sont que des exemples. C’est à vos équipes, en fonction du contexte, de définir les leurs et de savoir « où placer la barre ».
3. Conseils et bonnes pratiques pour adopter la méthode OKR
Un atelier d’une demi-journée suffit à définir des OKR ! Il faut cependant respecter quelques règles pour obtenir les résultats escomptés.
A. Savoir définir ses OKR : dosage et adhésion de l’équipe
La définition des objectifs et des résultats-clés constitue la première étape, pour laquelle Gilles Lalyre recommande de miser sur la simplicité : « Pour commencer, mieux vaut se limiter à deux niveaux d’OKR : on fixe des objectifs au niveau de l’entreprise et on décline les keys results au niveau des équipes ». Voici quelques repères pour réussir ce passage de la théorie à la pratique.
Quelques repères chiffrés sur les OKR
Les objectifs et résultats clés se déterminent sur une période maximale d’un trimestre. Ils seront donc à retravailler tout au long de l’année. Ils sont fixés dans les proportions suivantes :
- On retient 1 à 3 objectifs seulement.
- On fixe 2 à 5 keys results, en ne retenant que les résultats-clés prioritaires.
Par ailleurs, il faut savoir que le résultat visé ne sera pas totalement atteint :
« Google part du principe qu’un key result est efficace lorsqu’il est atteint à 70% », précise Gilles. « Si on atteint 100%, cela signifie que le résultat visé n’était pas suffisamment ambitieux. Il faut cependant doser l’ambition, car une équipe qui vise un résultat trop élevé peut être démotivée en constatant qu’elle en est très loin. Les OKR présentent cependant l’avantage de pouvoir être ajustés en fonction des constats effectués par l’équipe ».
B. Bien mener la phase collaborative de création des OKR
Pour l’organisation de cette phase collaborative, Gilles préconise de mener l’atelier en deux temps lorsque les objectifs sont fixés par l’équipe.
Les objectifs sont le premier point à traiter. L’équipe commence par laisser libre cours à sa créativité, en s’exprimant sans limites lors d’un exercice de brainstorming. Elle vote ensuite pour choisir ceux qui sont les plus pertinents (dans la limite de un à trois).
La méthodologie se répète ensuite pour les résultats-clés. Une fois arrêtés, les objectives and key results doivent être consignés, avec un soin particulier apporté à leur formulation.
« Les OKR sont aussi un exercice de sémantique », insiste Gilles. « Lors de mes ateliers, j’invite les participants, s’agissant des objectifs, à abandonner les termes qu’on retrouve habituellement autour de la notion de performance ou de l’amélioration, pour choisir des mots plus funs, plus simples ».
C. Gérer le suivi des keys results
Pour l’entreprise, la fixation d’objectives and key results ne présente d’intérêt que si elle donne lieu à un véritable suivi.
Trouver et récupérer les données
Où se trouve la donnée qui permettra de vérifier que l’on est en bonne voie pour atteindre le but fixé pour chaque résultat-clé ? Cette question doit nécessairement être abordée lors de la mise en œuvre du framework.
Si la mesure n’existe pas, l’équipe doit mettre en place un système pour la récupérer. En l’absence de repères en démarrage, il lui incombe également de fixer un seuil à atteindre (en fonction des bonnes pratiques, du marché…) puis d’affiner par la suite, en fonction des résultats qu’elle obtient lors de la mission.
Suivre les OKR de façon régulière
Au fil de l’eau, l’équipe doit relever et consigner les données permettant de suivre ses résultats clés, dans un simple fichier Excel ou via un outil dédié tel que Workboard.
Si aucun format n’est imposé, il convient d’aborder de manière régulière le sujet, par exemple en réunion d’équipe une ou deux fois par semaine.
Quel que soit le mode de suivi retenu, l’essentiel consiste à vérifier que l’on avance dans le bon sens. Si ce n’est pas le cas, les échanges sont l’occasion de comprendre pourquoi et d’ajuster le tir.
Avoir des OKR champions
Gilles recommande également de mandater des personnes pour gérer les OKR.
« Quand ce sont les managers qui se chargent des OKR, on retombe très vite dans un management command and control. L’idéal est donc de mandater des OKR champions (ou OKR master), c’est-à-dire des personnes au sein de l’équipe qui sont motivées par la méthode OKR et qui s’occupent de récupérer la donnée et la consigner ».
Ces champions contribuent à la réussite du déploiement, de l’adoption et de l’utilisation des OKR au sein de l’entreprise. Un champion ne sera donc pas nécessairement un manager. Il va sans dire qu’il doit s’agir d’une personne organisée qui a le don d’encadrer et d’aider ses coéquipiers.
Célébrer les victoires avec l’ensemble de l’équipe
Les OKRs s’enchaînent trimestre après trimestre tout au long de l’année. Il est donc essentiel d’instaurer, dans votre gestion, des points permettant de célébrer les réussites à court terme. Instaurez, par exemple, des réunions permettant aux équipes de célébrer leurs succès précédents tout en se projetant dans le prochain but à atteindre.
Comme vous l’aurez compris, le framework des OKR booste les équipes ! Facile à mettre en place, il améliore l’engagement en impliquant les équipes dans l’atteinte des objectifs, et en offrant au management une excellente visibilité sur la progression dans le travail. Alors, prêts à vous lancer ?
En résumé :
C’est une méthode de management par les objectifs. L’essence de cette méthodologie se trouve résumée dans son acronyme, « OKR » signifiant « objectives and keys results », à savoir les objectifs et résultats-clés.
Tout d’abord les OKR génèrent de l’engagement. Cette méthodologie offre à tous une meilleure visibilité sur le projet d’entreprise ainsi qu’une plus grande autonomie dans l’organisation de leurs tâches. Deuxièmement, ils permettent de de suivre les résultats et d’ajuster la stratégie ou l’exécution, de manière à rechercher en permanence l’alignement entre la vision stratégique et le terrain. Enfin, cette méthodologie constitue l’occasion de créer des équipes pluridisciplinaires, qui avancent sur des projets transversaux avec des envies concrètes et partagées.